CGV – CGU

Partie V – Les trusts
Titre 3 – La fiscalité des trusts
Chapitre I – Fiscalité applicable pendant la vie du trust

2602 Dans ce chapitre, nous allons envisager la fiscalité applicable à compter de la création du trust jusqu’à sa liquidation.

Section I – Au moment de sa création

2603 En matière de trust révocable, l’administration fiscale considère que le bien est en réalité resté dans le patrimoine de constituant et que par conséquent il n’y a pas de transfert de propriété et donc pas de droits de mutation.

En matière de trust irrévocable, l’analyse est plus délicate, car on ne peut affirmer que la propriété n’a pas été transférée au trustee. L’administration fiscale considère toutefois (depuis 2011) que les droits de mutation ne sont exigibles qu’au décès du constituant.

Section II – La taxation des revenus du trust
§ I – Les revenus non distribués

2604 Dans ce cas particulier, les bénéficiaires ne reçoivent aucun revenu, car les revenus ne sont pas distribués mais réinvestis dans le trust. Ils ne sont pas imposables. En pratique, les trusts implantés à Jersey où Guernesey sont favorables à l’accumulation des revenus sans distribution. Pour attirer les capitaux étrangers, ces îles dispensent de taxation les revenus des trusts.

§ II – Les revenus distribués
A/ Revenus distribués à des bénéficiaires résidents de France

2605 Les revenus distribués sont considérés comme des revenus de capitaux mobiliers imposables aux bénéficiaires en application de l’article 120-9e du Code général des impôts, et quelle que soit la consistance des biens ou droits qui y sont placés. Si une partie de ces revenus est composée de loyers provenant de biens immobiliers, il ne faut pas faire de distinction, la totalité des capitaux distribués est imposable au titre de revenus de capitaux mobiliers1263. On ne peut appliquer la réfaction de 40 %1264.

– Cas particulier desgrantor trusts. – Les revenus restent imposables au nom du grantor, car les administrations françaises et américaines estiment qu’il n’y a pas eu dessaisissement des biens par le constituant.

B/ Revenus de source française perçus par les trusts

2606 Tel est le cas si le trust étranger est constitué en tout ou partie par des valeurs mobilières émises en France ou revenus d’immeubles situés sur le territoire français. Ces revenus sont également taxables comme des revenus de capitaux mobiliers.

Section III – Le trust et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI)
§ I – Principe

2607 L’article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, qui a supprimé l’impôt sur la fortune (ISF) et a instauré un impôt sur la fortune immobilière (IFI), a prévu des dispositions spécifiques relatives à l’imposition des biens et droits immobiliers placés dans un trust. Cette loi a corrélativement modifié les dispositions relatives au prélèvement sui generis dû en cas de défaut de déclaration à l’IFI des actifs mentionnés à l’article 965 du Code général des impôts (CGI).

L’administration fiscale a pris la position de considérer que le trust est transparent du chef du constituant. Elle a donc considéré que ce dernier est imposable pendant sa vie, même s’il n’est pas le bénéficiaire. Il est redevable de cet impôt uniquement sur les actifs mentionnés à l’article 965 du Code général des impôts, qui sont placés dans des trusts.

Dès le décès du constituant, les bénéficiaires sont réputés devenir les constituants et ils sont à leur tour taxables à l’IFI. Est ainsi imposé à ce titre l’ensemble des actifs placés dans le trust dans les conditions de droit commun, qu’il s’agisse par exemple :

d’immeubles et droits immobiliers, de parts ou actions de sociétés ou organismes à hauteur de leur fraction représentative de biens ou droits immobiliers ;

de contrats d’assurance ou de bons ou contrats de capitalisation à hauteur de leur valeur représentative des unités de compte constituées d’actifs imposables.

En présence de plusieurs bénéficiaires réputés constituants et en l’absence de répartition expresse de l’actif du trust dans l’acte de trust (trust deed) ou de ses éventuelles stipulations complémentaires annexes, l’actif du trust sera réputé réparti à parts égales entre chacun des bénéficiaires réputés constituants.

Toutefois, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans une décision du 15 décembre 20171265, si le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant démontre que les actifs mentionnés à l’article 965 du Code général des impôts placés dans le trust ne lui confèrent aucune capacité contributive, il ne sera pas imposable à l’IFI sur ces actifs.

À cet égard, la capacité contributive résulte notamment des avantages directs ou indirects, y compris de nature non pécuniaire, que le redevable est susceptible de tirer de ses actifs ou de leurs produits. Cette preuve ne saurait résulter uniquement du caractère irrévocable du trust et du pouvoir discrétionnaire de gestion de son administrateur1266.

Compte tenu des règles de territorialité applicables prévues à l’article 964 du Code général des impôts, et sous réserve des conventions fiscales internationales, sont taxés au titre de l’IFI :

les actifs mentionnés à l’article 965 du Code général des impôts placés dans des trusts dont le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant est résident fiscal de France, quel que soit le lieu de situation, en France ou à l’étranger, de ses actifs ;

les actifs mentionnés à l’article 965 du Code général des impôts situés en France et placés dans un trust dont le constituant ou le bénéficiaire réputé constituant n’est pas résident fiscal de France1267.

Il est précisé que la taxation à l’IFI de ces biens ou droits placés en trust s’effectue suivant les règles de droit commun applicables en matière d’IFI (champ d’application, assiette, exonérations).

Ainsi, notamment, les personnes physiques dont le patrimoine net excède le seuil d’assujettissement à l’IFI qui n’ont pas été domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles deviennent résidentes fiscales de France ne sont imposables qu’à raison des biens ou droits situés en France (cela jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle elles ont établi en France leur domicile fiscal).

Par ailleurs, les règles d’évaluation des biens ou droits et les dispositifs d’exonération sont également applicables aux biens et droits placés en trust.

Pour exemple : le dispositif d’exonération des biens immobiliers affectés à l’activité professionnelle du redevable est applicable aux biens et droits immobiliers et aux parts ou actions de sociétés ou organismes placés en trust.

§ II – Les trusts exclus de l’IFI

2608 L’article 885 G ter du Code général des impôts prévoit un cas d’exonération (les trusts caritatifs). Par tolérance administrative, une deuxième catégorie est également dispensée de taxation (le trust retraite).

A/ Le trust caritatif

2609 Ces trusts sont irrévocables et les bénéficiaires relèvent de l’article 795 du Code général des impôts1268ou sont des organismes de même nature (cas des trusts) relevant de l’article 795-0 A du Code général des impôts. Le trustee doit être soumis à la loi d’un État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

Attention, un trust caritatif dont le constituant se réserverait à son profit ou celui d’un tiers tout ou partie des revenus ou des biens mis en trust ne pourrait relever de cette exclusion.

B/ Le trusts retraite

2610 Comme dans le cas précédent, le trustee doit être soumis à la loi d’un État ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Ils sont dispensés d’imposition au titre de l’IFI.

§ III – L’IFI et les conventions fiscales

2611 Les dispositions relatives à l’IFI s’appliquent sous réserve des conventions internationales.

Les modalités d’élimination des doubles impositions prévues par ces conventions trouvent à s’appliquer lorsqu’une double imposition juridique est caractérisée, c’est-à-dire dans les cas où une même personne est imposable au titre d’une même fortune par plus d’un État.

Dans cette hypothèse, lorsque la France est l’État de résidence, l’impôt acquitté à l’étranger est imputable dans la limite de l’impôt dû en France. Il incombe au redevable de justifier du paiement effectif de l’impôt étranger.

Remarque : les principes guidant l’interprétation des dispositions des conventions fiscales utilisées en matière d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sont repris en matière d’IFI. Il n’en reste pas moins qu’une convention applicable à l’ISF ne l’est pas nécessairement à l’IFI, un examen au cas par cas des stipulations conventionnelles étant nécessaire1269. En l’absence de convention fiscale internationale, et en application de l’article 980 du Code général des impôts, le montant des impôts dont les caractéristiques sont similaires à celles de l’IFI acquitté hors de France est imputable sur l’impôt exigible en France. Cette imputation est toutefois limitée à l’IFI acquitté au titre des biens et droits immobiliers situés hors de France ou sur la valeur des parts ou actions imposables représentatives de ces mêmes biens1270.

§ IV – L’IFI et la taxation de patrimoine composant le trust au titre du prélèvement sui generis

2612 Le prélèvement sui generis sur les trusts, codifié sous l’article 990 J du Code général des impôts, a pour principale finalité de sanctionner le défaut de déclaration au titre de l’IFI des actifs mentionnés à l’article 965 du Code général des impôts placés dans un trust.

Les dispositions de l’article 990 J du Code général des impôts sont applicables depuis le 31 juillet 2011. Le 1er janvier est le fait générateur du prélèvement spécifique sur les trusts. Ce prélèvement n’est pas couvert par les stipulations des conventions fiscales d’élimination des doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et la fortune conclues par la France. De plus, en cas de défaut de déclaration des avoirs en trust, le juge considère que ce prélèvement spécial ne se cumule pas avec l’ISF1271.

Le taux du prélèvementsui generiscorrespond au tarif le plus élevé de l’IFI (c’est-à-dire 1,5 % en 2018). Les redevables légaux de celui-ci sont les constituants du trust et les bénéficiaires réputés constituants. Les exonérations en matière d’IFI, notamment celles tenant à leur affectation à l’activité professionnelle du redevable ou à la nature de certains biens (bois et forêts…), ne sont pas applicables pour déterminer l’assiette du prélèvement.

Le prélèvement est liquidé et acquitté par le trustee.


1263) Toutes les distributions par le trust, en ce compris les revenus fonciers et les plus-values : BOI-RPPM-RCM-10-30-10-10, n° 130.
1264) CGI, art. 158, 3-2 à 4°.
1265) Cons. const., 15 déc. 2017, n° 2017-679 QPC : ECLI:FR:CC:2017:2017.679 (QPC interprétant les dispositions législatives relatives à l’ISF et transposables à l’IFI).
1266) BOI-PAT-IFI-20-20-30-20-20180608, n° 70.
1267) BOI-PAT-ISF-30-20-30, n° 80.
1268) L’article 795 du Code général des impôts énumère les organismes exonérés des droits de mutation à titre gratuit.
1269) BOI-PAT-IFI-10-20180608, n° 30.
1270) BOI-PAT-IFI-50-20.
1271) En ce sens CE, 8e et 3e ch., 25 sept. 2017, n° 412024.
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