CGV – CGU

Partie V – Les trusts
Titre 1 – Le fonctionnement des trusts
Chapitre II – Origine et mécanismes du trust
Section I – Origine du trust

2567 Le trust n’est pas une personne morale, il ne faut donc pas chercher à l’identifier avec un numéro d’immatriculation comme nous avons l’habitude de le faire avec une société. Ce n’est pas non plus une entité juridique, ni un contrat. On peut simplement affirmer qu’il représente une relation juridique ; on comprend désormais les difficultés pour un juriste français soucieux de classer cet instrument dans une catégorie.

Si un trust peut être un écrit, il est également verbal, et se pose alors un problème de preuve.

Si le trust n’est pas un contrat, on peut le qualifier d’acte unilatéral dont l’origine selon certains, remonte aux croisades : à cette époque, avant de partir en croisade, le seigneur allait en voir un autre et lui confiait son patrimoine. Ce tiers avait la charge de le gérer conformément aux volontés du constituant et les biens étaient ainsi mis à l’abri de possibles confiscations infligées en cas de condamnation pour félonie ou trahison. Cet acte avait pour essence la confiance.

Il arrivait que le trustee ne veuille pas restituer les biens confiés au chevalier lors de son retour ou à son épouse et ses enfants en cas de décès. Dans ce cas particulier, il n’existait aucun recours possible en common law. Par conséquent, le chevalier devait s’adresser au Roi pour qu’il tranche en equity. Ce dernier déléguait cette tâche au Chancelier qui était alors le plus proche conseiller royal. Il siégeait à la Court of Chancery et développa au cours des années les règles d’equity.

D’autres évoquent pour origine le cas des communautés religieuses ayant fait vœu de pauvreté et qui trouvaient dans ce mécanisme le moyen de concilier ce vœu avec la possibilité d’accepter des dons dans l’intérêt de leur ordre.

Section II – La double fragmentation créée par le trust
§ I – Fragmentation de propriété

2568 Fragmentation de propriété : en effet, le trustee devient propriétaire de droit (legal ownership), et à ce titre il détient la propriété légale (legal tittle) vis-à-vis du monde extérieur. Son rôle est de gérer les biens dans l’intérêt des bénéficiaires. Le ou les bénéficiaires sont en quelque sorte le ou les propriétaires économiques (beneficial ownership). Ils sont en quelque sorte de futurs ou virtuels propriétaires, définis sous le terme equitable interest. À ce titre, ils détiennent l’equitable title. Pour les Anglo-Saxons, la propriété est donc fragmentée entre le propriétaire légal et le propriétaire économique.

Sur le plan fiscal, la France continue à considérer le constituant en qualité de propriétaire et l’impose à l’IFI, qu’il s’agisse d’un trust testamentaire ou inter vivos.

Si le bénéficiaire n’est pas le propriétaire légal, il dispose de droits contre le trustee, notamment le droit de suite en cas de vente des biens par ce dernier au profit d’un tiers.

Cette fragmentation de la propriété inconnue du droit civil est l’une des caractéristiques les plus importantes du trust.

§ II – Fragmentation dans le temps

2569 Il existe une fragmentation dans le temps, puisque pour les Anglo-Saxons il n’y a pas de réserve.

On peut donc confier un bien dans un trust et exiger qu’il y reste (ainsi il ne quitte jamais la famille).

Il est également possible de prévoir que les enfants :

n’auront le droit qu’aux revenus et que le capital devra être maintenu pour les générations à venir ;

auront dans un premier temps les revenus, et le capital seulement lorsqu’ils auront atteint un âge défini.

Il est également possible d’organiser des sauts de générations.

L’outil est souple en matière de gestion et de transmission de son patrimoine.

Section III – Quel type d’actif peut être détenu par un trust ?

2570 En théorie, un trust peut détenir tout type d’actif.

Il faut toutefois qu’il n’y ait pas d’obstacle pour que le trust détienne tel type de bien.

En pratique, en France un trust ne peut être propriétaire d’un immeuble. En effet, le service chargé de la publicité foncière ne distingue pas la propriété économique de la propriété juridique.

À retenir

Par conséquent, tant que la France n’aura pas ratifié la convention de La Haye en matière de reconnaissance des trusts, ou que l’État n’aura pas réformé les conditions d’accès au fichier immobilier, il ne sera pas possible d’acquérir des biens sur le territoire français au nom et pour le compte de cette institution.

En pratique, et pour contourner cette difficulté, la personne souhaitant acquérir un bien via un trust constitue une société civile immobilière, le trust étant l’associé majoritaire. C’est cette société qui se porte acquéreur du bien immobilier.

Il faudra toutefois être très attentif. En effet, en cas d’achat d’un logement non frugifère par le biais d’une société civile immobilière ayant opté à l’impôt sur les sociétés ou par une société de droit étranger de type commercial (par ex., une société à responsabilité limitée type LLC [limited])1230, l’administration fiscale française traite ces sociétés comme des sociétés commerciales et exige le paiement de l’impôt sur la valeur locative du logement, même si ce dernier n’est pas loué ou occupé par le settlor à titre de résidence secondaire.

Section IV – Intérêts du trust
§ I – Éviter la procédure du probate

2571 Dans les pays anglo-saxons, lors d’un décès, les biens successoraux ne sont pas directement dévolus aux héritiers. Le juge désigne une tierce personne chargée d’administrer la succession, de rassembler l’actif et de liquider le passif avant de répartir le reliquat entre les héritiers. L’administration de la succession est en principe soumise à une procédure dite de probate. Cette procédure diffère selon les pays et aux États-Unis le droit n’est pas uniforme. En effet, chaque État a ses propres lois et sa propre jurisprudence.

Certains biens échappent à la procédure du probate estate. Il s’agit des biens connus sous le nom de non-probate assets1231. Pour ces biens, le transfert est automatique. En effet, dans ce cas la transmission de propriété a lieu soit selon les termes du trust, soit en exécution des instructions données à une institution bancaire ou à une compagnie d’assurance pour la distribution d’un compte ou le bénéfice d’une assurance, soit en fonction d’un acte de propriété d’un bien meuble ou immeuble prévoyant un transfert automatique au copropriétaire ou à un tiers au décès du défunt1232.

Dans le cadre d’une succession, dans les pays anglo-saxons tous les biens placés dans un trust entre vifs sont exclus de toute procédure de contrôle (dite de probate).

En revanche, les biens destinés à être apportés dans un trust testamentaire seront soumis à la procédure du probate. On doit aller au tribunal pour obtenir une autorisation judiciaire (procédure dite de probate estate)1233. À cette occasion, toute personne peut connaître l’actif de la succession. Cette procédure a l’inconvénient d’être longue et coûteuse. Les biens sont toutefois dévolus selon les termes du trust. Ils ne sont transférés du patrimoine du de cujus au trust qu’après le décès du testateur et un probate est requis pour réaliser le transfert-procédure judiciaire.

Aux États-Unis, en présence d’un trust testamentaire, une personne que l’on nomme le personal representative prend en charge l’administration de la succession dès sa nomination par le tribunal. Après paiement des droits de succession et accomplissement de la distribution des actifs nets, il est déchargé de sa fonction. Le trustee d’un trust testamentaire prend alors le relais. C’est à ce stade que les biens meubles et immeubles sont transférés au trust selon les instructions du testateur confirmées par le order of distribution délivré par le tribunal. On comprend alors que le trust testamentaire n’est pas créé automatiquement au décès du testateur ; en effet, le testament le décrit simplement.

La raison majeure qui motive les Anglo-Saxons à créer des trusts est donc la dévolution de leur succession. Il en existe d’autres, notamment  celle de se protéger des créanciers.

§ II – Se protéger des créanciers

2572 Les trusts sont utilisés pour se protéger des poursuites des créanciers. Le constituant, en affectant une partie de son patrimoine dans une telle structure, cherche à le rendre insaisissable vis-à-vis de ses créanciers.

Le trust qui serait constitué dans le but de les léser serait toutefois nul.

Ils doivent donc avoir été constitués avant que le problème naisse (avant une éventuelle période suspecte).

Dans la pratique, rien n’interdit à une personne d’affecter son patrimoine à un trust en qualité de settlor et de récupérer lesdits biens en qualité de bénéficiaire.

Le constituant peut également être le trustee. Dans ce cas, l’unique intérêt du trust réside dans l’affectation du patrimoine.

Le juge saisi par les créanciers peut-il révoquer le trust ? Dans le cadre d’un trust inter vivos, il faut qu’il soit irrévocable pour que le juge ne puisse le révoquer. En effet, lorsque je crée un trust irrévocable (c’est-à-dire définitivement et discrétionnairement), ces biens affectés ne m’appartiennent plus. Cette technique est proche de celle que l’on utilise en France en faisant par exemple une donation aux enfants (avant toute période suspecte) pour se dessaisir d’un bien.

§ III – Modifier la teneur du testament

2573 Dans le cadre d’un trust, les pays anglo-saxons autorisent, après le décès du testateur, à modifier la teneur du testament, si toutefois cette modification va dans l’intérêt des héritiers.

Ces derniers ont le droit de modifier les dispositions testamentaires dans les deux ans du décès. On peut changer les dispositions concernant les bénéficiaires ; certains juristes conseillent de substituer pour partie l’épouse aux enfants afin de profiter en France de l’exonération de droits de mutation à titre gratuit en application de la loi TEPA. Si cette position est possible en droit anglo-saxon, on s’interroge sur les droits de contestation que pourrait soulever l’administration fiscale. Il est vrai qu’elle a peu de moyens de connaître la «substitution», car les documents étrangers déclarent le bénéficiaire effectif et il est peu probable que celle-ci soit mentionnée.

On émet une réserve sur cette position et le 115e Congrès des notaires de France invite, dans un tel cas, à solliciter un rescrit pour sécuriser le traitement fiscal de cette opération.

§ IV – Les autres utilités du trust

2574 Les Anglo-Saxons utilisent également le trustpour constituer des sûretés ou des garanties en matière bancaire et financière ; pour se constituer des systèmes privés de pensions de retraite ; pour prévoir la dévolution de leur patrimoine (on parle alors d’estate planning, en permettant qu’il soit affecté, conservé partiellement ou totalement dans le cercle familial sur plusieurs générations (en ce sens les trusts dynastiques ou d’accumulation) ; pour affecter des biens dans un but charitable.

Le trust est également parfois utilisé par des groupes afin d’assurer la confidentialité de certaines opérations (il détient les actions pour en assurer l’anonymat). La transparence financière va alors disparaître et la possibilité de fraude fiscale ou d’évasion fiscale, mais également de blanchiment peut alors exister.

Ces caractéristiques sont souvent dénoncées par certaines personnes publiques.

Le trust trouve également une utilité en matière d’assurance vie. En effet, le contrat d’assurance vie au moment du décès du souscripteur échappe, comme le trust, à la procédure de probate. Les capitaux sont remis directement au(x) bénéficiaire(s). Les assurances vie sont donc classées dans la catégorie des non probate assets. Toutefois, à défaut de bénéficiaire les capitaux feront partie des biens soumis au probate. Lors du dénouement du contrat, les capitaux versés sont intégrés dans l’actif taxable du souscripteur-défunt. En effet, les contrats d’assurance ne profitent pas de la fiscalité favorable que la France a instaurée. Pour éviter cet inconvénient, les Américains placent des fonds dans un trust dénommé irrevocable life insurance trust et la police d’assurance est souscrite par ce dernier. Ainsi, les capitaux sont détachés du patrimoine du de cujus.

Le trust est également utilisé aux États-Unis pour optimiser les abattements fiscaux disponibles aux couples mariés. Dans un tel cas, les époux cherchent à structurer leur patrimoine afin de profiter au mieux des abattements fiscaux. Pour atteindre cet objectif, il sera créé un sous-trust appelé bypass trust. Ce mécanisme permet au conjoint survivant de conserver la totalité du patrimoine au décès du prémourant. Les enfants profitent des abattements malgré la conservation des biens par le conjoint survivant. Le sous-trust permet de sauver le premier abattement, le second étant applicable au moment du décès du survivant des époux. Cela ressemble dans son mécanisme à la créance de restitution en présence d’un quasi-usufruit.

Section V – Les différents acteurs d’un trust
§ I – Le constituant : settlor ou grantor ou trustor

2575 Le constituant est le créateur du trust. Il affecte une partie de ses biens à ce dernier.

Les biens mis en trust sont soustraits à l’action des créanciers personnels du constituant, sous la surveillance du juge.

Par conséquent, le constituant ne peut conserver une carte bancaire sur le compte du trustee.

En pratique, il existe parfois des trusts contestables, principalement en matière de divorce. Dans ce cas, le juge peut attribuer la moitié des actifs à l’autre conjoint s’il est démontré que le trust est «fictif». Le juge statuant en équité souhaite éviter qu’il soit fait du trust un usage abusif et qu’une personne cherche par ce biais à se soustraire au paiement de ses propres dettes.

En pratique, le transfert de biens au trust fait généralement l’objet d’un acte de «donation» appelé deed of gift ou d’un acte d’ajout appelé deed of addition. On rencontre également des cas où c’est le trustee qui déclare unilatéralement qu’il a reçu des biens ou droits en trust (il s’agit de trusts déclaratifs).

Le trustor peut également mandater une tierce personne pour créer un trust.

À quoi sert la letter of wishes ? La lettre de vœux est un document écrit par le constituant, dans lequel il indique le mode de restitution, le nom du gestionnaire et les instructions en matière de gestion. En pratique, le constituant pourrait rédiger une lettre tous les jours ou toutes les semaines : rien ne l’interdit.

Le trustee est libre de ne pas suivre celle-ci. D’ailleurs, il arrive qu’un constituant écrive des lettres de vœux que le trustee ne respecte pas pour prouver qu’il est indépendant et renforcer vis-à-vis du juge le faisceau d’indices démontrant que le trust n’est pas «fictif».

§ II – Le trustee

2576 Le trustee est le propriétaire juridique du bien. Le Code général des impôts français utilise la notion d’administrateur pour faire référence à ce dernier. Au sens de la common law, c’est le legal ownership.

Il s’agit très souvent d’une personne morale (par ex. une banque) qui doit agir dans l’intérêt exclusif du ou des bénéficiaires. D’ailleurs seul le bénéficiaire a des droits de recours à l’encontre du trustee.

Ce dernier doit investir en personne prudente et avisée. Il n’est d’ailleurs pas obligé d’effectuer un placement risqué prévu dans la lettre de vœux.

En pratique, il est préférable que le trustee soit assuré et qu’il tienne une comptabilité. Pour éviter un problème de conflit d’intérêts, il est conseillé qu’il ne soit pas le gestionnaire des actifs. Il engage sa responsabilité pour ces actes de gestion. Il gère le patrimoine et il peut parfois céder les biens, à condition d’en conserver le prix et d’en effectuer le remploi.Il peut disposer du capital et des revenus qu’il produit, conformément à l’acte constitutif du trust.

Le trustee peut être rémunéré, mais ce n’est pas toujours le cas. En présence d’un patrimoine de petite ou moyenne taille, les constituants choisissent majoritairement un membre de leur famille.

Exemple

L’oncle qui accepte cette mission pour protéger ses neveux et nièces.

Dans les faits, il arrive que le trustee soit révoqué judiciairement, lorsqu’il a contrevenu aux dispositions du trust.

Il a une mission d’information à l’égard des bénéficiaires. Il se peut que le trust prévoie l’institution d’un protector, chargé de contrôler la gestion du trustee.

En pratique

Aux États-Unis : le trustee sera un citoyen américain ou un professionnel, ce choix est justifié par des raisons fiscales lorsque le bénéficiaire est l’époux du constituant et que ce dernier n’est pas de nationalité américaine.

Quid en cas de décès de la personne assumant la fonction de trustee ? S’il s’agit d’une personne morale, il n’y pas de difficulté car si la personne qui est affectée à la gestion du trust ne peut plus remplir sa mission, la personne morale continue et cette société affectera une autre personne qui assurera la gestion.

La question est plus gênante si le trustee est une personne physique : il faudra saisir le juge de l’equity pour faire nommer un remplaçant. Dans la pratique, les juristes anglo-saxons indiquent dans l’acte constitutif un trustee substitutif qui est très souvent une personne morale.

Lorsque je crée un trust, est-ce que les futurs créanciers du trustee pourront saisir les biens affectés au trust ? Le trustee n’est que le propriétaire légal, c’est-à-dire que ce patrimoine est un patrimoine d’affectation. Il n’appartient pas au trustee.

Par conséquent, il n’est pas saisissable par ses propres créanciers. Si le trustee est une personne physique, en cas de décès, les biens ne font pas partie de sa succession.

Le trustee peut avoir certains intérêts qui font de lui aussi un bénéficiaire. Cette possibilité semble cependant rarement utilisée dans la pratique.

Parallèlement au trustee, on peut rencontrer une personne au nom de laquelle sont inscrits certains biens du trust, comme par exemple des parts sociales. Cette personne, appelée nominee, intervient en qualité de prête-nom pour le trust. Dans un trust, le nominee est quelquefois désigné comme bare trustee (trustee nu, sans fonction). Ce tiers peut donc être titulaire de certains biens appartenant au trust pour le compte du trustee.

Le choix du trustee est d’une importance primordiale. En effet, ce choix peut avoir un impact sur la fiscalité applicable au trust dans les pays anglo-saxons, en fonction du lien de parenté entre le constituant et le trustee, sa nationalité, et les pouvoirs qui lui sont octroyés.

À retenir

Le trustee a pour principale mission de servir les intérêts des bénéficiaires et non les intérêts du constituant.

§ III – Les bénéficiaires (appelés en anglais beneficiary ou beneficiaries )

2577 Dans un cas typique de gestion de patrimoine, le bénéficiaire d’un trust entre vifs est le settlor de son vivant, et à son décès d’autres bénéficiaires personnes physiques ou morales de son choix, ainsi qu’il l’aura été prévu dans le document de constitution du trust.

Lors de la création du trust, les bénéficiaires doivent être déterminés ou déterminables (par ex. : «mes enfants nés ou à naître», «mes petits-enfants en l’an 2040»).

Le bénéficiaire est généralement l’héritier du constituant, mais il peut également être un tiers. Le constituant peut aussi être le premier bénéficiaire. Dans ce cas particulier, il se doit de ne pas donner d’ordre au trustee pour ne pas «affaiblir» le trust.

Le bénéficiaire peut également être une personne morale, tout particulièrement lorsqu’il s’agit d’un charitable trust ou d’un trust destiné à créer des sûretés.

Entre les bénéficiaires, il existe des obligations dont le hotchpot, qui vient du vieux français «hocher», secouer, et du mot «pot». La doctrine du hotchpot a pour but de promouvoir la loyauté entre les bénéficiaires. Lorsque l’un d’eux a reçu une somme à titre d’avance, il doit la rapporter dans les comptes de façon à ne pas en retirer un profit supérieur à ceux qui n’ont pas perçu d’avance (en ce compris les intérêts annuels).

Dans le même sens, un bénéficiaire à également l’obligation envers les cobénéficiaires de restituer les distributions qui lui sont faites par erreur ou intentionnellement en violation du trust.

Les bénéficiaires ont des droits qu’ils peuvent faire valoir en justice, et les tribunaux dans les pays de common law exercent une véritable surveillance à ce titre.

Le bénéficiaire a un droit à la séparation des avoirs du trust en cas de faillite du trustee. De plus, si des actifs venaient à échapper au trustee, le bénéficiaire pourrait exiger la restitution de ces valeurs patrimoniales au trust.

Il dispose d’un droit de regard sur les comptes du trust, il peut consulter les comptes, les vérifier, et exiger du trustee un compte-rendu périodique. Il peut également demander au tribunal notamment, l’annulation des actes du trustee commis en violation du trust, et requérir au juge une compensation de la part du trustee en cas de pertes de revenus ou diminution du capital occasionnées par des actes frauduleux, délictueux ou par manque inexcusable de diligence de la part du trustee.

Les créanciers des bénéficiaires peuvent-ils faire saisir les biens affectés dans le trust ? Les biens affectés au trust sont insaisissables tant que le trustee les gère. À partir du moment où il va affecter l’actif aux bénéficiaires, alors les créanciers seront en droit de les poursuivre.

Toutefois, un juge pourra ordonner à un trustee de ne pas remplir ses obligations envers le bénéficiaire désigné dans les trusts obligatoires (fixed trust), mais envers le créancier subrogé dans ses droits. Dans le cadre d’un trust discrétionnaire, la question est plus délicate1234.

Il existe deux types de bénéficiaires : ceux en revenus et ceux en capital :

les bénéficiaires en revenus cestui que trust : ils bénéficient des revenus versés par le trustee dans les conditions fixées dans l’acte constitutif du trust. Ils peuvent être plusieurs cestuis, et dans le cadre d’un trust entre vifs (inter vivos) le bénéficiaire peut être le constituant. Il peut percevoir des revenus temporairement ou être gratifié d’un avantage viager par l’acte de trust. Il peut percevoir un revenu fixe ou variable et, en cas de pluralité de bénéficiaires, il est possible de prévoir une distribution simultanée ou successive.

Imaginons que l’on puisse en France créer des trusts. L’intérêt serait incontestable en présence d’un enfant handicapé. On assurerait à celui-ci un revenu complémentaire viager aux allocations d’usage et, après son décès, le surplus des actifs pourrait être versé aux autres frères et sœurs. Les revenus fixés seraient plafonnés de façon à ne pas faire perdre à l’enfant handicapé les aides dont il bénéficie. Le trustee aurait donc un pouvoir d’ajustement.

On pourrait être tenté d’assimiler le bénéficiaire en revenus à une sorte d’usufruitier : qu’en est-il en réalité ?

L’usufruitier détient un droit réel sur les biens, alors que le bénéficiaire n’en a aucun : il ne jouit pas directement des biens puisqu’il bénéficie des revenus à la discrétion du trustee (cas des trusts discrétionnaires). L’usufruitier a une obligation de conserver «la substance» du bien, alors que dans le mécanisme du trust cette mission incombe au trustee et non au bénéficiaire.

On peut en conclure que la position du bénéficiaire en revenus est moins avantageuse que celle d’un usufruitier ;

les bénéficiaires en capital : ce sont les personnes qui vont récupérer la propriété des actifs du trust à son expiration, c’est-à-dire au décès du dernier des bénéficiaires en revenus, ou à une date déterminée par le constituant.

§ IV – Le protector

2578 C’est un des personnages dutrust, bien qu’il soit rarement prévu. Le settlor ou le grantor lui concède des pouvoirs positifs ou des droits de vote.

En pratique, il est préférable de lui donner peu de pouvoir pour ne pas fragiliser le trust. Généralement, cette place est assumée par le conseiller familial des constituants. Cette fonction peut être rémunérée.

Le protector est chargé de contrôler la gestion et les arbitrages du trustee. Il ne doit pas s’immiscer dans ceux-ci, mais il peut nommer ou révoquer le trustee.

Le protector, de par son pouvoir de révocation, est en réalité celui qui contrôle le trust.

L’institution d’un protector est souvent recommandée lorsque le settlor n’est pas familier avec le mécanisme du trust ou lorsqu’il ne connaît pas suffisamment le trustee.

Le protector est essentiellement prévu en présence de trusts irrévocables.

L’essentiel à retenir

Les qualités des différents intervenants sont souvent multiples, comme par exemple le bénéficiaire des revenus qui se trouve être également l’attributaire en capital.

Le constituant peut également être le trustee, et le bénéficiaire ou le trustee avoir la qualité de bénéficiaire.


1230) Société à responsabilité limitée américaine pouvant être composée d’un unique associé, en l’espèce le trust est l’unique associé.
1231) Liste non limitative des non probate assets :joint tenancy, tenancy by the entirety, community property (spousal petition), community property with right of survivorship, contrat entre époux, payable-on-death bank account, bénéfice d’assurance vie, fonds de pension (bénéficiaire distinct de la succession du défunt), transfert-on-death deed, véhicules, transfert par affidavit (patrimoine inférieur à une certain seuil), securities registered in transfert-on-death et le trust inter vivos.
1232) Pour approfondissement de la procédure de probate et des trusts américains : P. Tour-Sarkissian et H. Peisse, Trusts américains et pratique notariale française, Defrénois, 2013.
1233) La Court of Probate est une juridiction spécialisée en matière testamentaire. Elle a été créée en 1857 et est devenue en 1873 une formation spécialisée de la Family division de la High Court. Elle est généralement présidée par un Master, fonctionnaire de la juridiction. Les certificats attestant de la validité des testaments (grant of probate) sont délivrés par cette juridiction. L’appel est porté devant la Chancery Division.
1234) Pour approfondissement, V. P. Tour-Sarkissian et H. Peisse, op. cit., n° 159.
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