CGV – CGU

Partie V – Les trusts
Titre 1 – Le fonctionnement des trusts
Chapitre I – Le trust, mécanisme fiduciaire de gestion de patrimoine

2561 Le trust est une des techniques fiduciaires. Le trust, comme les fondations et les fiducies, est basé sur un transfert de la propriété au profit d’un tiers, à charge pour lui de remplir la mission qui lui a été confiée.

En latin le mot fiducia et en anglais le mot trust se traduisent en français par le mot confiance.

Les fondations utilisent le même mécanisme fiduciaire en isolant un patrimoine pour un objectif déterminé.

Il est important de prendre du recul et de comprendre la vraie nature de cette institution, car trop de personnes font des confusions. Cette compréhension est importante si l’on veut ensuite en faire un usage approprié et une analyse correcte. Un trust n’est pas une entité, à la différence d’une fondation : le trust n’est ni une personne morale1226ni un contrat. Il est créé par la déclaration du constituant, c’est donc un acte unilatéral, matérialisé par le trust deed, dans lequel sont indiqués les droits et obligations du trustee. En pratique il est fréquent qu’indépendamment de cet acte, le constituant rédige une letter of wishes.

Par conséquent, le trust n’est pas une société de personnes, ni une forme de collaboration, ni une forme de coentreprise entre le constituant, les bénéficiaires et le trustee.

Section I – Les points communs entre les trusts, les fiducies et les fondations

2562 Ces trois mécanismes prévoient une opération qui consiste pour une personne appelée «le constituant» (qu’on nomme plus précisément, en matière de trust, le settlor pour les Anglais ou le trustorsettlor ou grantor pour les Américains ; en matière de fondation, le «fondateur», et en matière de fiducie, le «fiduciant») à transférer la propriété de certains de ses biens dépendant de son patrimoine.

En matière de trust, le transfert s’effectue au profit d’un trustee. Pour les fondations, il se fait à l’entité juridique qu’est «la fondation» et dans le cadre d’une fiducie (il existe dans ce cas un contrat), il est effectué au fiduciaire.

En matière de trust, les trustees peuvent aussi bien être des personnes physiques ou morales. En pratique ce sont très souvent des personnes morales.

Le trust est donc un mécanisme qui repose sur l’idée qu’un bien peut être détenu par une personne pour le bénéfice d’une autre ; on confie un bien à un tiers, à charge pour lui de le gérer dans un but prédéterminé, et de transférer ainsi la propriété juridique du bien tout en conservant une sorte de droit de regard plus ou moins étendu en fonction des volontés exprimées lors de sa constitution. C’est par conséquent un acte unilatéral appelé trust deed1227.

Si la fondation peut avoir une durée illimitée dans le temps, tel n’est pas le cas du trust.

Dans ces trois mécanismes, on relève un second point commun : le transfert de la propriété se fait sans attribution de parts. En effet, ni le trust ni la fondation ou la fiducie ne sont construits sur le modèle des sociétés. Le transfert de propriété est consenti à titre gratuit (on ne reçoit pas de titres en échange). Pour les notaires latins, cela génère un réflexe interrogatif : est-ce une libéralité1228 ? Pour les Anglo-Saxons, il n’y a pas de débat sur ce point, la réponse est négative.

Au terme de cette opération, c’est le trustee qui «a la main» et c’est lui qui gère le patrimoine.

Dans ces trois mécanismes, la propriété des actifs a été transférée dans l’objectif que ce patrimoine soit géré pour un ou des bénéficiaires (qu’on appelle aussi cestui que trust). L’essence du trust réside par conséquent dans la relation fiduciaire entre le trustee et les bénéficiaires.

Le bénéficiaire d’une fondation peut être, par exemple, une association de personnes aveugles, d’enfants abandonnés. Pour un trust, le bénéficiaire peut parfois être un animal1229.

Section II – Le trust comparé au mandat

2563 Le mandataire et le trustee ont tous les deux une obligation fiduciaire vis-à-vis du mandant ou des bénéficiaires. Dans les deux cas, leurs intérêts personnels ne doivent pas entrer en conflit avec ceux du mandant ou du bénéficiaire. Par contre, le mandataire doit agir sous le contrôle du mandant qui lui a donné les instructions (V. infra, nos a2190 et s.), alors que le trustee est indépendant tant vis-à-vis du constituant que du bénéficiaire.

Le mandant peut mettre fin au mandat à tout moment, alors que le trustee n’est tenu que par l’acte de trust et que le settlor n’a pas cette possibilité (sauf disposition contraire dans le trust deed).

De plus, si le mandat prend fin avec le décès du mandant, tel ne sera pas le cas du trust qui continue après la disparition du constituant.

Section III – Le trust comparé à l’assurance vie

2564 On peut parfois lire ou entendre que le trust est en quelque sorte assimilable à l’assurance vie à la française. Qu’en est-il juridiquement ? Les deux concepts sont sensiblement différents : l’assurance vie repose sur une stipulation pour autrui qui est créée par voie contractuelle. Elle est basée sur l’existence d’un contrat, et à ce titre elle ressemble plus à la fiducie. En matière de trust, il existe parfois un contrat (trust inter vivos), mais celui-ci peut aussi avoir pour source un acte de dernières volontés (trust testamentaire), ou avoir pour source la loi. En droit, le bénéficiaire de la stipulation pour autrui doit être clairement identifiable dès l’origine du contrat, alors que dans un trust les bénéficiaires peuvent être choisis par le trustee lui-même.

Enfin, le bénéficiaire de la stipulation pour autrui bénéficie d’une simple créance chirographaire, alors que celui du trust est sécurisé par l’existence d’un patrimoine affecté.

Section IV – Description du trust

2565 Le trust peut donc être décrit comme une situation dans laquelle un propriétaire (settlor, trustor ou grantor) transfère tout ou partie de ses biens à un tiers (qu’on appelle trustee), à qui on indique ce qu’il doit faire. Le trustee doit soit gérer les biens dans l’intérêt des bénéficiaires (ou cestui que trust), soit remplir un objet (parfois charitable dans le cadre d’un charitable trust), avant de le remettre à l’ «attributaire en capital».

Section V – Loi applicable au trust

2566 La loi applicable au trust va dépendre du type même de trust. Si le trust est constitué du vivant du settlor, il s’agira d’un trust inter vivos (c’est le type le plus courant). Si le trust est testamentaire, il est constitué à la suite du décès dans le cadre du règlement de la succession.

En matière de trust testamentaire, la loi applicable sera-t-elle celle applicable à la succession telle que déterminée dans le règlement «Successions» n° 650/2012 qui a une portée universelle ? Certains auteurs semblent l’admettre, alors que d’autres soutiennent le contraire, considérant que le trust n’est effectif qu’au moment de l’exécution du testament. Or, il serait rattaché à une disposition à cause de mort, celle-ci est visée par l’exclusion de l’article 2-J du règlement.

L’article 14 de la Convention de La Haye du 1er août 1989 prévoit : «Quand un trust est créé par disposition à cause de mort, l’application à la succession par la loi prévue par la Convention ne fait pas obstacle à l’application d’une autre loi pour régir le trust. Réciproquement l’application au trust de la loi qui le régit ne fait pas obstacle à l’application à la succession de la loi qui régit en vertu de la Convention…».

D’autre part, faudrait-il considérer, en matière de loi applicable à la succession, le trust testamentaire comme une professio juris tacite, ainsi que certains juristes l’envisagent ? Il semble trop tôt pour affirmer cette position, mais il serait surprenant que ce point ne fasse pas prochainement l’objet de débats et que le juge ait à trancher.

En matière de trust inter vivos, le principe est celui de l’autonomie de la volonté.

La Convention de La Haye du 1er juillet 1985, relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, a été signée par la France le 26 novembre 1991, mais elle n’a jamais été ratifiée. Elle sert de référence pour l’analyse de cette institution, d’autant que les solutions qu’elle consacre étaient déjà retenues par le notariat français dans l’adaptation du trust lors du règlement amiable d’une succession internationale. La convention consacre, en son article 6, le libre choix («Le trust est régi par la loi choisie par le constituant»), sous réserve que la loi choisie par le constituant connaisse l’institution du trust. À défaut de choix, on recherche la loi avec laquelle le trust présente les liens les plus étroits.

Pour déterminer la loi avec laquelle le trust présente les liens les plus étroits, il est tenu compte notamment :

du lieu d’administration du trust désigné par le constituant ;

de la situation des biens ;

de la résidence ou du lieu d’établissement du trustee ;

des objectifs du trust et des lieux où ils doivent être accomplis.

Un dépeçage des lois applicables est possible.


1226) Toutefois, certaines législations donnent la personnalité morale au trust. Tel est le cas en Nouvelle-Zélande ou en Écosse.
1227) Deed (trust deed) ; c’est l’acte constitutif d’un trust entre vifs. Avant une réforme intervenue en août 1991, le document devait comporter le sceau de son auteur. À présent, il suffit qu’il exprime sans ambiguïté la volonté claire de son auteur de créer un trust. La signature doit cependant être certifiée par un témoin.
1228) Certains auteurs soutiennent qu’il n’y a pas de libéralité car il manque un des éléments la constituant, à savoir l’intention de gratifier celui qui reçoit.
1229) Il s’agit d’un purpose trust ou Honorary trust. Dans ce type de trust, l’enforcer est la personne qui a la charge de veiller à l’entretien de l’animal.
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