CGV – CGU

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Partie III – La fiscalité internationale
Titre 3 – Fiscalité du patrimoine
Chapitre I – Les revenus fonciers

2515 En droit international, le lieu de situation de l’immeuble est celui de l’imposition. En effet, les États reconnaissent l’existence d’un lien étroit lié au sol. En pratique l’État de la résidence du propriétaire de l’immeuble peut également avoir un droit concurrent d’imposition, mais dans ce cas, ce dernier accepte en présence d’une convention fiscale de le limiter afin d’éviter une double imposition1155. À défaut de convention, on peut être en situation de double imposition.

Section I – Notions générales applicables à l’imposition des revenus fonciers en présence d’une convention fiscale

2516 L’article 6-2 du modèle de la convention OCDE indique : «L’expression “biens immobiliers” a le sens que lui attribue le droit de l’État contractant où les biens considérés sont situés». Ce renvoi au droit interne a le mérite d’éviter toute difficulté d’interprétation. On dispense le lecteur du rappel de la définition de revenus immobiliers en droit interne français.

L’article 6 continue en indiquant : «L’expression comprend en tout cas…/.» et l’article indique toute une liste de revenus. Celle-ci est très large, et aboutit à ce que les revenus de biens qui sont détenus par une personne physique ou morale et quel que soit le mode d’exploitation (location nue ou meublée, directe ou affermage) sont considérées comme immobilier. Il en est de même pour les revenus provenant des biens immobiliers d’une entreprise ou des biens appartenant à un entrepreneur individuel (profession indépendante)1156. Sont également considérés comme des revenus fonciers les revenus agricoles et les revenus de gisements minéraux1157.

Les conventions françaises reprennent généralement le modèle OCDE. Parfois toutefois, la France exclut les fermes ou les plantations de cette catégorie en considérant qu’elles sont des établissements stables1158ou elle inclut dans celle-ci les revenus provenant des options, promesses de vente et autres droits semblables.

L’État de situation des biens est titulaire du droit d’imposer les revenus des immeubles, même en l’absence d’établissement stable1159dans cet État1160. L’article 6 de la convention paralyse l’article 5 (établissement stable), car une société ne peut être imposable en France simultanément sur la base des articles 5 et 6. Précisons par ailleurs que le rescrit «établissement stable» ne peut être sollicité en matière de location immobilière.

La convention laisse à l’État de situation le choix des modalités d’imposition et aucun taux plafond n’est fixé1161.

Un pays étranger peut donc prévoir qu’un résident fiscal français qui est propriétaire d’une résidence secondaire dans cet État, dont il se réserve la jouissance, est imposable sur un revenu théorique égal à un pourcentage de la valeur cadastrale de ce bien.

En application des conventions fiscales, une difficulté pratique apparaît. Elle concerne les parts ou actions de sociétés immobilières. Ces parts ou actions sont juridiquement des biens meubles et non pas des immeubles. La France peut-elle taxer les revenus de ces parts et actions ? Pour répondre à cette question, il faut distinguer les revenus selon le type de société et selon le traitement que lui réserve la convention :

les revenus émanant des sociétés transparentes1162sont traités comme des revenus de biens immobiliers. En effet, chaque associé est considéré comme un propriétaire privatif de biens immobiliers ;

les revenus provenant des sociétés immobilières non transparentes (type société civile) sont traités comme des revenus sociaux. La société est considérée comme la personne imposable même si, dans le cadre des sociétés civiles, l’imposition est établie au nom de chaque associé ;

les revenus provenant de propriétés détenues en multipropriété : pour ce type de revenus, il faudra distinguer deux cas : la location réalisée par le non-résident n’est pas occasionnelle, alors il y a lieu de considérer que le bien loué est une installation fixe d’affaire. À ce titre, le droit d’imposer revient à l’État de situation des biens conformément au principe d’imposition des activités commerciales au lieu de situation de l’établissement stable. Si la location est occasionnelle, il n’existe pas d’installation fixe d’affaire, on pourrait sur cette base contester le droit d’imposer de l’État de situation.

Section II – L’imposition des revenus fonciers perçus en France par un résident fiscal étranger (France pays de la source)
§ I – Les personnes physiques
A/ En application du droit interne (absence de convention fiscale)

2517 À défaut d’existence d’une convention fiscale, les personnes physiques non résidentes de France qui sont bénéficiaires de revenus immobiliers ayant pour source le territoire français sont imposables en France, notamment au titre de la location d’immeubles situés en France, de parts de sociétés immobilières transparentes ou sociétés civiles immobilières, de parts de sociétés de multipropriété.

En cas d’imposition dans le pays de la résidence, le contribuable peut parfois être soumis à une double imposition.

B/ En présence d’une convention fiscale

2518 Les non-résidents percevant des revenus immobiliers sur le territoire français sont imposables en France dans la quasi-totalité des cas. En présence d’une location nue, les loyers sont taxés dans le cadre des revenus fonciers, et en cas de location meublée, l’imposition relève du régime des bénéfices industriels et commerciaux. Les règles d’assiette d’imposition sont définies en appliquant les règles de droit commun propres aux catégories de revenus. On applique les mêmes règles que les contribuables soient résidents de France ou non.

Attention : en cas de location meublée par une société civile immobilière (SCI), la nature commerciale de cette activité rend la société passible de l’impôt sur les sociétés et par conséquent cette SCI perd son caractère translucide. Cette situation aura pour conséquence que la SCI devra être traitée fiscalement comme une société de capitaux soumise à l’IS ; l’associé non résident n’est plus taxable sur les revenus immobiliers, mais éventuellement sur les dividendes qui seront versés par la société sous forme de retenue à la source1163.

Le non-résident doit déclarer ses revenus pour leur montant net, après imputation des frais et charges normalement déductibles en droit interne. Ils sont soumis à l’impôt selon le barème normal progressif de l’impôt sur le revenu. Toutefois, l’impôt ne peut pas être inférieur à 30 %1164de revenu imposable net1165.

Ce taux n’est pas applicable1166lorsque les non-résidents justifient que l’imposition en France de la totalité de leurs revenus mondiaux ferait l’objet d’une taxation à un taux moyen inférieur. Dans ce cas particulier, le taux moyen est appliqué aux seuls revenus taxables en France. Cette exception a été prévue afin d’éviter de surimposer les non-résidents qui disposeraient de revenus modestes.

En pratique, le notaire en charge de la déclaration de revenu foncier d’un contribuable non résident pourra annexer à la déclaration des revenus une déclaration sur l’honneur confirmant l’exactitude des revenus mentionnés, en attendant de pouvoir produire les justificatifs1167. Cette possibilité n’est offerte qu’aux contribuables résidents dans un pays de l’Union européenne ou dans un État ayant signé une convention fiscale avec la France1168.

À défaut de justifications, l’application du taux minimum de 30 % est automatique. Les non-résidents sont donc plus sévèrement traités que les résidents. Quelle est l’explication à cette position française ?

Le législateur souhaite tenir compte de ce que le non-résident n’est imposé en France qu’à raison de ses revenus de source française et qu’il bénéficie ainsi d’un avantage certain en ce qui concerne la progressivité de l’impôt. En effet, en ne retenant que les revenus de source française, le taux moyen est inférieur et la pression fiscale est aussi inférieure à celle d’un résident ayant les mêmes revenus mondiaux.

Ce taux minimum de 20 % n’est applicable que si le résultat de la fraction calculée en divisant l’impôt dû par le revenu net imposable est inférieur à 20 %1169.

§ II – Les personnes morales
A/ En application du droit interne français (absence de convention fiscale)

2519 Les personnes morales non résidentes sont redevables de l’impôt sur les sociétés en France sur les revenus immobiliers de source française, à condition toutefois qu’elles relèvent de cet impôt. Une société qui n’est pas passible de l’impôt sur les sociétés à raison de sa forme peut l’être à raison de son objet1170.

D’autre part, les revenus immobiliers perçus par une entreprise industrielle et commerciale sont des bénéfices industriels et commerciaux.

L’article 209, I du Code général des impôts mentionne que les personnes morales non résidentes sont taxables sur les bénéfices mentionnés aux a, e, e bis et e ter du I de l’article 164 B, c’est-à-dire sur les revenus immobiliers et plus-values immobilières.

Focus

En présence d’une personne morale non résidente propriétaire d’un logement situé en France qu’elle laisserait gratuitement ou à des conditions avantageuses à la disposition des associés, il y aurait lieu dans ce cas particulier d’appliquer la notion d’acte anormal de gestion et d’imposer les loyers qu’elle aurait dû percevoir1171. Sauf toutefois le cas particulier des sociétés échappant en raison de leur forme et en l’absence de caractère lucratif de leurs activités à l’impôt sur les sociétés1172.

B/ En présence d’une convention fiscale

2520 La France a le droit d’imposer les revenus immobiliers de source française. Il n’y a pas lieu de vérifier si une personne morale a un établissement stable au sens conventionnel en France, sauf si la convention ne reprend pas le modèle OCDE qui prévoit l’application des règles applicables aux revenus immobiliers aux revenus d’une entreprise.

Par conséquent, une société étrangère est passible de l’impôt sur les sociétés en France, en application de l’article 206, 1 du Code général des impôts, sur les revenus d’un immeuble qu’elle possède en France1173.

L’impôt est calculé selon les conditions de droit commun. Les intérêts d’emprunt sont déductibles s’il existe un lien réel entre l’emprunt et cet immeuble et que le contribuable est en mesure de prouver l’affectation des fonds à l’immeuble (emprunter pour payer le prix d’achat ou l’entretien des immeubles français ou faire des travaux).

Précisons que l’administration fiscale française applique pour les sociétés étrangères le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation de l’article 212 du Code général des impôts1174. On devra être très attentif lors de l’achat par une société étrangère de vérifier ce point si l’on veut éviter pour l’acquéreur les conséquences de cette sous-capitalisation.

En pratique

Les personnes morales dont le siège est situé en dehors de l’Union européenne ont l’obligation de payer en sus de l’impôt sur les sociétés un impôt de distribution1175au taux de 30 %1176(75 % en présence d’un ETNC). La France considère que les bénéfices sont réputés distribués à des associés n’ayant pas leur domicile ou leur siège social en France1177. L’impôt de distribution est dû, que la société dispose ou non d’un établissement stable en France1178. Il n’est pas utile que la société procède à des distributions. Elle est redevable de l’impôt dès que le résultat de l’exercice est bénéficiaire. Cette retenue peut faire sous certaines conditions l’objet d’une révision.

Section III – L’imposition des revenus fonciers perçus par un résident fiscal français à l’étranger (France pays de la résidence)
§ I – En l’absence de convention fiscale

2521 Pour les personnes physiques, la France taxe le revenu global mondial1179. Par conséquent, les revenus immobiliers étrangers seront taxés une deuxième fois1180en France et les impôts payés à l’étranger seront déductibles au titre d’une charge1181. Il existe un risque de double taxation partielle.

Pour les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés : soit l’immeuble est inscrit à l’actif d’un établissement positionné hors de France, dans ce cas les revenus immobiliers ne sont pas imposables en France ; soit l’immeuble est à l’actif d’une entreprise française, dans ce cas les revenus sont imposables en France sauf exception1182.

Précision : les impôts payés à l’étranger déductibles sont les impôts analogues aux taxes foncières ou à l’impôt sur le revenu que les revenus immobiliers perçus à l’étranger ont généré dans ce pays.

§ II – En présence d’une convention fiscale

2522 On appliquera la convention fiscale et son mode d’élimination de la double imposition.

En France, on appliquera généralement soit la méthode de l’exonération, soit celle très proche du crédit d’impôt égal à l’impôt français.

Attention : en cas de non-imposition à l’étranger, les pertes ne sont alors pas déductibles en France (ces pertes seront-elles reportables ? Aucun texte et aucune jurisprudence ne donnent la réponse à cette question). Un déficit foncier ou un déficit industriel et commercial ne peuvent être imputés en France. Cependant, ils peuvent être retenus pour le calcul du taux effectif et auront pour conséquence de réduire celui-ci (tel n’est pas le cas avec le mécanisme de crédit d’impôt égal à l’impôt français désormais favorisé à l’occasion de la renégociation de conventions).

La location en meublé

Ces revenus, qui sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, sont considérés comme des revenus immobiliers dans le cadre des conventions.

La location en meublé est possible en France pour des non résidents.

Il faudra toutefois être prudent, car en présence d’un loueur meublé professionnel, et éventuellement non professionnel, s’il ne possède pas ou peu de revenus de source étrangère, nous pourrions le faire basculer dans la catégorie des résidents de France.

Un investissement par un non-résident en France dans le but de louer en meublé nécessite de la part du notaire d’attirer l’attention de l’investisseur sur le risque qu’il soit qualifié, au terme de l’opération, de résident de France : tant en application de la notion de résidence fiscale en droit interne et du critère de la localisation en France du centre des intérêts économiques (V. supra, n° a2452) qu’en application en droit conventionnel du critère du centre des intérêts vitaux (V. supta, n° a2459).


1155) Toutes les conventions fiscales signées par la France attribuent à l’État de situation des immeubles le droit d’imposer les revenus. En pratique, cela n’aboutit pas toujours à ce que la France puisse imposer.
1156) La convention fiscale peut déroger du modèle OCDE et ne pas reprendre l’ensemble des points.
1157) La France traite fréquemment les revenus de gisements minéraux comme des redevances, notamment avec les pays du continent africain.
1158) En ce sens Conv. franco-malaisienne 26 avr. 1975.
1159) CE, 8e et 9e ss-sect., 30 mai 1980, n° 12790 : RJF 9/1980, n° 660.
1160) Sauf en présence d’une convention fiscale différente du modèle de convention fiscale de l’OCDE.
1161) À la différence de ce qui est prévu en matière d’imposition des dividendes, des intérêts ou redevances.
1162) Sociétés visées à l’article 1655 ter du Code général des impôts (société immobilière de copropriété).
1163) En ce sens CE, 8e et 9e ss-sect., 5 févr. 1986 : RJF 5/1986, n° 562.
1164) En application de l’article 13 de la loi de finance n°2018-1317 du 28 décembre 2018, la retenue libératoire est d’un montant calculé en appliquant un taux de 20 % à la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu et un taux de 30 % à la fraction supérieur à cette limite ; ces taux de 20 % et 30 % sont ramenés respectivement à 14,4 % et 20 % dans les DOM..
1165) CGI, art. 197 A.
1166) BOI-IR-DOMIC-10-20-10, n° 390.
1167) Les revenus de source française et étrangère à prendre en compte pour le calcul du taux moyen d’imposition doivent être reportés en ligne 8TM de la déclaration modèle 2042 C.
1168) CGI, art. 197 A, a).
1169) BOI-IR-DOMIC-10-20-10, nos 360 et s.
1170) En vertu de l’article 206, 1 du Code général des impôts. En ce sens CAA Marseille, 4e ch., 7 avr. 2009, n° 06-2890, Sté Arevir Établissement : RJF 2/2010, n° 104.
1171) CE, 8e et 7e ss-sect., 7 oct. 1988, n° 82784 : RJF 12/1988, n° 1305 ; société belge qui mettait gratuitement une villa en France à la disposition de ses associés.
1172) CE, 3e et 8e ss-sect., 24 mai 2006, n° 278737, Min. c/ Sté immobilière «Saint-Charles».
1173) En ce sens CE, 7e et 8e ss-sect., 3 mai 1989, n° 78223, SA Quadriga : RJF 6/1989, n° 751.
1174) BOI-IS-BASE-35-20-30-10, n° 390.
1175) En ce sens CE, 7e et 8e ss-sect., 24 févr. 1986, n° 54253 : RJF 4/1986, n° 353.
1176) Sauf si la convention fiscale prévoit un taux plus faible ou interdit à la France d’appliquer la retenue.
1177) CGI, art. 115 quinquies.
1178) En pratique, on peut constater que les conventions qui autorisent une retenue au titre de l’impôt de distribution exigent (en majorité) l’existence d’un établissement stable.
1179) CGI, art. 4 A.
1180) Sauf cas particulier où le pays de la source n’aurait pas taxé ces revenus immobiliers.
1181) CGI, art. 13.
1182) Cas d’une société qui exercerait une activité commerciale à l’étranger mais dans le cadre d’une entreprise exploitée hors de France ; en ce sens CE, 5 juin 1937, n° 42274, RO ; BOI-IS-CHAMP-60-10-20, n° 110.
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