CGV – CGU

Partie III – La fiscalité internationale
Titre 2 – Les plus-values
Chapitre II – L’exit tax

2508 Les personnes qui partent s’installer à l’étranger1139sont tenues de réaliser des formalités et de régler des impôts avant leur départ. La réforme de 2019 en matière d’imposition a mis en place le prélèvement à la source et a permis de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et leur imposition. Cette réforme a réduit les formalités relatives à l’impôt sur le revenu. En effet, le candidat à l’exil n’a plus à déclarer ses revenus encaissés l’année précédant celle de son départ. Il faut continuer de recommander à ces personnes de prévenir l’administration fiscale avant de quitter la France en indiquant leur nouvelle adresse1140. Ces personnes pourront, si elles souhaitent, vendre leur domicile, profiter de l’exonération au titre de la vente de leur résidence principale, à condition de trouver un acquéreur dans un délai normal1141. Par la suite, comme il sera développé infra, au n° a2523, ils seront assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière à raison des biens immobiliers situés en France, pour autant que la valeur de ceux-ci excède le seuil d’imposition actuellement fixé à 1 300 000 €.

En sus de ces impositions, le transfert de domicile hors de France peut également générer la mise en œuvre de l’exit tax. Ce dispositif est actuellement codifié à l’article 167 bis du Code général des impôts et il est issu de l’article 48 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011. L’exit tax avait originairement été créé par la loi de finances pour 1999. Le dispositif actuellement en vigueur a été retouché à plusieurs reprises depuis. En mai 2018, le magazine américain Forbes indiquait que M. Emmanuel Macron, Président de la République française, avait fait connaître son intention de supprimer ce dispositif. Il semblerait1142désormais qu’il serait plutôt envisagé d’effectuer un réaménagement ou une simplification du régime1143. Le mécanisme actuel a pour principal intérêt de soumettre ses contribuables à une imposition portant sur les plus-values latentes que comportent les titres qu’ils possèdent. Cette imposition est calculée en considérant qu’ils les ont cédés la veille de leur départ. Ce dispositif a pour but d’éviter que des titres soient vendus à l’étranger afin d’éluder l’acquittement de l’imposition sur les plus-values en France, favorisant ainsi la lutte contre l’évasion fiscale. L’exit tax se revendique être un système anti-abus.

C’est à la date du transfert de domicile fiscal que sont appréciés le champ d’application (Section I), l’assiette (Section II) et les modalités de l’exit tax (Section III).

Section I – Champ d’application
§ I – Condition de transfert de domicile et de durée antérieure de domiciliation en France

2509 Le transfert de domicile fiscal hors de France entraîne l’imposition immédiate à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits, sous condition tenant à l’importance des participations détenues, des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix et de certaines plus-values en report d’imposition. Les personnes assujetties à cette imposition des plus-values latentes sont les contribuables qui ont été fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France (les impatriés sont exclus en application de cette condition).

En revanche, l’ensemble des contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France sont assujettis à l’imposition de leurs plus-values en report d’imposition lors de ce transfert1144.

Pour calculer la phase de dix ans, il faut réaliser un décompte de date à date à partir de celle du transfert du domicile fiscal. Par conséquent, si le contribuable se délocalise le 1er juin 2019, il faudra analyser la période du 31 mai 2009 au 31 mai 20191145. On doit apprécier la durée de domiciliation fiscale en France de six années de façon continue ou discontinue, et la notion de domiciliation doit être retenue au regard du contribuable et non pas du foyer fiscal (ce point est source de complexité). Pour s’y retrouver, il est conseillé de se reporter au tableau de synthèse que l’administration fiscale propose au BOI-ANNX-000444, ci-après reproduit, sur l’appréciation de la condition de domiciliation fiscale en France en fonction du régime matrimonial aux fins de l’exit tax.


En revanche, pour l’imposition des plus-values en report d’imposition, aucune condition de durée de domiciliation antérieure n’est exigée. Par conséquent, tous les contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France sont assujettis à l’impôt sur les plus-values en report.

§ II – Nature des biens et des plus-values concernées

2510 Sont assujettis à une imposition immédiate les contribuables dont les membres du foyer fiscal détiennent directement ou indirectement, lors du transfert, au moins 50 % dans les bénéfices sociaux d’une société ou lorsque la valeur globale desdits droits, valeurs ou titres excède 800 000 €1146. Les titres dont la plus-value est concernée sont ceux régis par l’article 150-0 A du Code général des impôts (actions et parts sociales notamment).

Pour l’appréciation des seuils, il convient de se placer au niveau du foyer fiscal. On doit donc cumuler les participations, directes ou indirectes de chacun des membres du foyer.

La référence faite par l’article 167 bis I du Code général des impôts aux droits sociaux, valeurs, titres ou droits mentionnés au 1 du I de l’article 150-0 A du Code général des impôts entraîne l’application de l’exit tax non seulement aux titres de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, mais également à celles non soumises à cet impôt. Toutefois, sont exclues les actions ou parts des sociétés de personnes à prépondérance immobilière1147et les sociétés au travers desquelles les contribuables exercent leurs activités professionnelles et dont les plus-values sont soumises aux articles 150 UB et 151 nonies du Code général des impôts. Sont également soumis à l’exit tax les titres d’OPCVM, les placements collectifs (type Sicav et fonds communs de placement) et les obligations. En revanche, échappent à cette imposition les actions détenues au travers d’un plan d’épargne d’actions et les avoirs détenus dans le cadre d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation.

Attention, seront soumises à l’imposition au titre des revenus et aux prélèvements sociaux toutes les plus-values des titres détenus par les membres du foyer fiscal, même si certains d’entre eux ne transfèrent pas leur domicile hors de France.

Les créances représentatives d’un complément de prix (clause de earn out) entrent dans le champ d’application du dispositif. Ces créances sont un complément de prix de cession conditionné à un ou des critères de performance liés à l’activité de la société cédée. Ne sont toutefois concernées que les créances déterminées en fonction d’une indexation en relation directe avec l’activité de la société dont les titres font l’objet du contrat de cession.

Le dispositif de l’exit tax s’applique également aux plus-values en report d’imposition, c’est-à-dire les plus-values réalisées à l’occasion d’un apport de titres consenti à une société contrôlée par l’apporteur sous le régime de l’article 150-0 B ter du Code général des impôts et les plus-values issues des échanges de titres antérieurs à l’année 2000 (à l’époque un échange de titre ne bénéficiait pas de la neutralité fiscale, mais le contribuable pouvait demander un report d’imposition jusqu’à la vente des titres reçus en échange).

Section II – L’assiette de l’exit tax

2511 La plus-value latente est égale à la différence entre la valeur des titres à la date du transfert et leur prix ou valeur d’acquisition. La plus-value latente ainsi calculée est réduite, le cas échéant, de l’abattement1148pour durée de détention prévu à l’article 150-0 D ter du Code général des impôts : la plus-value est caractérisée par la différence entre la valeur déterminée selon les règles prévues à l’article 7581149et au dernier alinéa du I de l’article 973 du Code général des impôts1150, et le prix d’acquisition par le contribuable ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation.

Toutefois, lorsque les droits sociaux, valeurs, titres ou droits ont été reçus lors d’une opération intercalaire d’échange bénéficiant du sursis d’imposition prévu à l’article 150-0 B du Code général des impôts (avant le transfert de domicile fiscal du contribuable), la plus-value constatée est calculée à partir du prix ou de la valeur d’acquisition des titres remis à l’échange diminué du montant de la soulte reçue, qui n’a pas fait l’objet d’une imposition au titre de l’année de l’échange, ou majoré de la soulte versée lors de cet échange.

Pour la créance trouvant son origine dans une clause de complément de prix, il appartient au contribuable d’estimer sa valeur à la date du transfert : le prix d’acquisition de la créance étant égal à zéro, la valeur de la créance est donc égale à sa valeur réelle au jour du transfert. La créance ainsi définie ne peut être réduite de l’abattement pour durée de détention prévu à l’article 150-0 D ter du Code général des impôts.

Section III – Les modalités de l’exit tax
§ I – Imposition

2512 Le fait générateur de l’imposition est le transfert du domicile fiscal hors de France1151 : il est réputé se produire la veille du transfert. Cette fiction permet de maintenir l’exigibilité des prélèvements sociaux et de faciliter l’application des conventions fiscales.

Le montant des plus-values est désormais1152soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, ou au prélèvement forfaitaire unique au taux de 30 %.

Le montant de l’exit tax est égal à la différence entre le montant de l’impôt résultant de l’application du barème progressif à l’ensemble des revenus de sources françaises et étrangères, y compris les plus-values et créances taxables au titre de l’exit tax, et le montant de l’impôt résultant de l’application de ce barème aux seuls revenus de sources françaises et étrangères.

Les prélèvements sociaux additionnels sont exigibles au taux global de 12,8 %.

Il y a lieu de préciser que les moins-values latentes ne peuvent être imputées sur les plus-values imposables au titre de l’exit tax. Il y a également lieu de considérer que chaque plus-value latente est imposable pour son montant considéré isolément. Par contre, une cession effective par le candidat à l’exil de titres générant une plus-value latente, avant son transfert de domicile, peut faire l’objet d’une compensation et réduire le montant de l’imposition lors du départ.

§ II – Les cas de sursis de paiement

2513 Un sursis automatique de paiement, de droit et sans prise de garanties est accordé lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales). Avant l’entrée en application de la Loi de finance n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, le sursis automatique n’était accordé que dans le cadre d’un transfert dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement. (i.e. l’Islande et la Norvège), hors Liechtenstein.

Lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal dans un autre État que ceux cités précédemment, le paiement de l’impôt est en principe immédiat mais, sur demande expresse de l’intéressé et sous réserve de prise de garanties adéquates, un sursis de paiement peut être accordé. Dans ce cas, le contribuable doit déclarer ses plus-values et créances, désigner un représentant fiscal et constituer des garanties1153préalablement au transfert de son domicile hors de France.

Ces garanties ne sont pas exigées en cas de transfert de domicile fiscal pour des raisons professionnelles dans certains États : il faut toutefois que ce dernier ait conclu avec la France un accord de coopération fiscale1154.

Le sursis de paiement s’applique tant au niveau des impôts sur le revenu que des prélèvements sociaux. L’impôt en sursis fait l’objet d’une mise en recouvrement spécifique. En effet, un avis d’imposition est émis par le centre des impôts des non-résidents. Le sursis de paiement a pour effet de suspendre la prescription de l’action en recouvrement jusqu’à la date du fait générateur qui entraînera son expiration.

L’article 28 de la loi de finance de 2018, n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 avait prévu que les contribuables qui transfèrent leur domicile fiscal hors de France depuis le 1er janvier 2018, doivent constituer pour le bénéfice du sursis d’imposition lors du transfert des garanties égal à 12,8 % du montant brut des revenus concernés, sans qu’il soit fait application des abattements pour durée de détention.

§ III – Expiration du sursis de paiement

2514 Ce sursis cesse automatiquement en cas de manquement aux obligations déclaratives, mais également lors de la cession, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres et, dans certains cas, lors de la donation des titres concernés ou lors du décès du contribuable.

Pour l’impôt afférent aux créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix, le sursis de paiement expire lors de la perception d’un complément de prix ou lors de l’apport ou de la cession de la créance concernée.

L’apport de titres grevés d’une plus-value latente en report d’imposition à une société contrôlée par l’apporteur tel que défini à l’article 150-0 B ou 150-0 B ter du Code général des impôts n’entraîne pas l’expiration du sursis de paiement de l’impôt. Dans ce cas particulier, le sursis est prorogé jusqu’à la date de survenance d’un événement constitutif du fait générateur d’expiration du report d’imposition tel que défini par cet article.

L’expiration du sursis rend exigible l’imposition établie lors de transfert de domicile. Toutefois, il existe des ajustements ; ces derniers ont pour objectif de tenir compte de la plus-value réelle :

le montant de la plus-value est recalculé au jour de la cessation du sursis : on tient compte en cas de cession à titre onéreux des abattements généraux des articles 150-0 D, 1 ou 150-0 D ter du Code général des impôts pour la durée de détention à l’étranger. Au cas où le contribuable réalise une perte, l’impôt est alors dégrevé ;

le taux de l’impôt et des prélèvements sociaux sont ceux applicables au jour du transfert.

L’impôt acquitté dans l’État de résidence par le contribuable à cette occasion est imputable sur l’impôt définitif exigible en France (prélèvements sociaux compris). Cette imputation est autorisée dans la limite de l’impôt français. Elle est réalisée en proportion entre l’assiette définitive de l’impôt en France, compte tenu de la durée de détention à l’étranger et du prix de cession réel, et l’assiette de l’impôt acquitté à l’étranger.

En cas de retour en France, et si le contribuable possède toujours les titres concernés, ou les créances de earn out, l’impôt tenant aux plus-values latentes est dégrevé d’office ou restitué s’il a fait l’objet d’un paiement immédiat.

À l’expiration d’un délai de quinze ans suivant la date du transfert hors de France, l’impôt concernant les plus-values sur les titres est dégrevé ou restitué. Tel n’est pas le cas des plus-values en report d’imposition ou celles concernant les créances de complément de prix.

Depuis la réforme de l’exit tax instituée par la loi de finance n° 2018 1317 du 28 décembre 2018, le délai de conservation des titres permettant au contribuable de bénéficier d’un dégrèvement d’office (ou d’une restitution d’impôt) correspondant au plus-values latentes a été réduit à deux ans (au lieu de quinze ans) lorsque la valeur globale des droits sociaux, valeurs, titres ou droits détenus par le contribuable n’excède pas 2 570 000 € à la date du transfert de son domicile fiscal hors de France. Elle est de cinq ans si cette valeur globale excède ce montant.


1139) I.e. qui transfèrent leur foyer sur le territoire d’un État étranger (la simple expatriation ne suffisant pas), V. supra, n° a2445.
1140) En application de l’article 167 bis IX-5° du Code général des impôts, cette information doit être réalisée dans les deux mois suivant chaque transfert. Ce formalisme peut être réalisé en ligne par internet en remplissant un formulaire sur le site «service-public.fr».
1141) Délai que l’administration fiscale fixe à un an (sauf contexte exceptionnel) à compter de la libération du logement, à condition toutefois que la résidence ne soit pas entre temps louée ou mise à disposition à des tiers ou des membres de la famille.
1142) Selon un article paru dans Les Échos le 15 septembre 2018.
1143) Au moment où nous écrivons ces pages, aucun texte de réforme n’a été proposé, à l’exception des modifications apportées par la loi de finances pour 2019 (art. 12).
1144) BOI-RPPM-PVBMI-50-10.
1145) Le transfert hors de France du domicile fiscal d’un contribuable est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d’être soumis en France à une obligation fiscale sur l’ensemble de ses revenus (CGI, art. 167 bis, III).
1146) Avant la réforme contenue dans la loi de finances pour 2014, le seuil était de 1 % de détention et de 1 300 000 € en valeur.
1147) Rép. min. Frassa, n° 12686 : JO Sénat Q 10 mars 2016, p. 958 et BF Lefebvre 5/2016, n° 415.
1148) L’abattement n’est applicable que pour l’impôt sur le revenu et non pas pour les prélèvements sociaux.
1149) I.e. les valeurs mobilières non cotées : la valeur servant de base à l’impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties.
1150) I.e. les valeurs mobilières cotées sur un marché sont évaluées selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent la date de départ.
1151) Un départ vers les collectivités d’outre-mer est considéré comme un transfert hors de France. Toutefois, en cas de transfert vers Saint-Barthélemy et Saint-Martin, l’exit tax n’est due qu’au terme de la cinquième année de la résidence dans ces collectivités, c’est-à-dire cinq ans après le transfert physique.
1152) Avant 2013, les plus-values latentes étaient imposables au taux forfaitaire de 24 % pour la période du 28 septembre 2012 au 31 décembre 2012, et de 19 % pour les transferts antérieurs.
1153) Par ex., une hypothèque, un nantissement d’un fonds de commerce, une caution. Le contribuable doit faire parvenir au centre des non-résidents dans les trente jours précédant son transfert une proposition de garanties. Le montant de la garantie doit être au minimum de 30 % du montant des plus-values et créances de complément de prix.
1154) Pour connaître la liste de ces États, il y a lieu de se reporter à la liste figurant au BOI-ANNX-000445.
Aller au contenu principal