CGV – CGU

Partie III – La fiscalité internationale
Titre 1 – Principes généraux
Chapitre II – La résidence en droit fiscal

2439 La détermination de la résidence d’un contribuable, tant d’une personne physique que d’une personne morale, doit être posée préalablement à toute analyse d’une situation fiscale.

À défaut, on risque de commettre des erreurs d’analyse et de perdre un temps précieux.

Depuis 19761003, on ne fait plus référence qu’aux notions de domicile fiscal et de source du revenu ; celles de résidence «habituelle» et de nationalité ont été abandonnées.

Pour les civilistes que sont principalement les notaires, il faut en préambule rappeler et distinguer la notion de résidence selon le droit civil et selon le droit fiscal et ainsi identifier et cerner avec précision le sujet. En effet, trop de clients «mélangent» le civil avec le fiscal.

Il arrive fréquemment qu’ils partent d’une définition de domicile applicable au civil pour appliquer les règles de droit fiscal ou l’inverse (ces deux matières sont étanches). On ne doit pas considérer que le domicile est le lieu que le contribuable indique spontanément comme étant sa résidence effective et habituelle.

D’autre part, il faut avoir en mémoire qu’une personne peut être amenée à déclarer des revenus et donc à payer des impôts dans plusieurs pays ; elle ne sera pas pour autant considérée comme résident dans chacun de ces pays. Le fait de payer de l’impôt dans un pays ne prouve aucunement qu’on y soit fiscalement résident.

La notion de résidence fiscale est au cœur des problématiques de transfert de domicile à l’étranger et, présentant des contours incertains, elle est à l’origine de nombreux contentieux avec l’administration fiscale.

Il convient par conséquent d’insister sur ces points et rappeler (Section I) les notions de résidence existant tant en civil qu’en fiscal ; elles seront répertoriées en indiquant celles qu’il faudra exclure et celles qui seront concernées par la présente matière. Puis on développera la notion de résident fiscale en droit interne (Section II) et en droit conventionnel (Section III).

Section I – La pénible difficulté consistant à distinguer la notion de résidence en droit fiscal : les notions à exclure

2440 Pour les questions de droit fiscal, c’est-à-dire d’imposition, il faudra considérer que les notions de «domicile civil» défini à l’article 102 du Code civil (§ I), ou de «domicile ordinaire» (§ II) et également celle de la résidence habituelle, telle que déterminée au règlement «Successions» (§ III) ne doivent pas être confondues avec celles applicables en matière fiscale.

§ I – Le domicile civil (C. civ., art. 102) non applicable en matière fiscale

2441 Civilement, la résidence est définie comme le lieu où se trouve en fait la personne. Ce peut être une résidence secondaire, un hôtel, un logement provisoire pour des besoins professionnels.

Le domicile est le lieu où la personne se situe en droit. Juridiquement, le lieu du domicile est unique : c’est là qu’une personne a le centre de ses intérêts, de ses affaires, de ses relations.

Pour toute personne physique, il y a toujours à l’origine un domicile légal : celui de ses parents pour les mineurs, puis à sa majorité ou à son émancipation, l’individu peut se choisir un domicile, qui sera dit «domicile volontaire», lequel pourra d’ailleurs être le domicile légal d’origine si l’intéressé y fixe son principal établissement.

Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu de son principal établissement1004. Il s’agit d’une notion juridique, essentiellement abstraite, permettant aux tiers de localiser une personne et de la rattacher au ressort d’une autorité ou d’une juridiction.

Le domicile général évoqué par l’article 102 du Code civil coexiste parfois avec des domiciles de nature particulière. Ainsi en est-il du domicile spécial, du domicile élu ou encore du domicile légal1005.

On comprend l’intérêt de définir un domicile en droit civil :

ce dernier sera pour l’huissier de justice l’endroit où il sera tenu de signifier un acte ;

ce sera le lieu d’ouverture d’une succession (à l’exception des successions internationales)1006 ;

le lieu d’ouverture de la tutelle est déterminé par le domicile du mineur ou de l’incapable majeur ;

il sert, d’autre part, à déterminer le tribunal territorialement compétent en cas de litige, et il fixe le lieu d’exercice de certains droits, que ce soit en matière civile, commerciale ou administrative (en droit administratif, la notion de domicile permet par exemple le rattachement d’une personne à une circonscription électorale).

Attention

L’article 102 du Code civil ne s’applique qu’aux personnes de nationalité française.

Le domicile d’un étranger, en droit international privé, s’entend du siège de ses principaux intérêts1007.

– Pour la jurisprudence. – La définition du principal établissement est donnée par le centre des intérêts : il s’agit d’une question de pur fait, qui est appréciée souverainement par les juges du fond, en fonction des circonstances particulières à chaque espèce1008.

À titre d’éléments d’appréciation, le juge considère que la résidence effective d’une personne, lorsqu’elle présente des caractères de stabilité et de fixité, est un élément important de cette appréciation, de même que le lieu où se concentrent ses relations familiales, ces deux indices concordant généralement.

D’autre part, le centre des intérêts matériels (situation des propriétés, siège d’exploitation d’un fonds) est fréquemment pris en considération et sera même l’élément déterminant si la nature du litige est pécuniaire.

Enfin, le lieu d’exercice de certains droits (droit de vote, par exemple) et d’accomplissement de certaines obligations (paiement des impôts directs) joue un rôle secondaire pour conforter d’autres indices plus convaincants (sur la définition du siège social en tant que domicile des sociétés).

Pour fixer le domicile, il importe de prendre en compte une conjonction d’éléments et non le seul lieu de résidence lié au lieu de l’emploi. C’est ainsi que l’inscription en mairie, et le fait de posséder une propriété immobilière à usage d’habitation dans la commune où l’intéressé est inscrit en mairie conduisent à retenir le lieu du principal établissement et à dissocier le lieu de résidence, où l’intéressé occupe son emploi, de celui du domicile, lieu du principal établissement1009.

Le lieu où une personne a son principal établissement présente le double caractère d’unité et de fixité. On ne peut avoir légalement qu’un seul domicile. Mais une personne peut avoir des activités d’une importance similaire en plusieurs lieux ou, au contraire, ne plus avoir d’activité comme, par exemple, un retraité.

Ces difficultés justifient le recours à une notion plus concrète : celle de résidence. Le législateur mentionne d’ailleurs expressément la résidence dans certains textes.

On remarquera également une troisième notion : celle de «demeure», notion apparue dans le cadre du Nouveau Code de procédure civile, et qui englobe les deux notions de domicile et de résidence.

Par «principal établissement», il faut entendre le lieu où la personne a le centre de ses intérêts principaux, d’ordre pécuniaire comme affectif et familial. Il s’agit donc de l’endroit où la personne a choisi principalement de s’installer pour y vivre avec sa famille. C’est l’endroit de centralisation des intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Selon un auteur1010, la définition du domicile dit «volontaire» a été précisée au fil du temps par la jurisprudence. La cour d’appel d’Aix-en-Provence1011précise dans sa décision que : «Selon la loi française, le domicile d’une personne physique est le lieu de son principal établissement, de son installation durable, le centre de ses activités, sous tous les aspects de la vie, politique et publique, patrimoniale, professionnelle, familiale et vie privée». Et elle ajoute que : «Ce rattachement à un lieu doit avoir un caractère durable et doit correspondre au minimum à la dernière année de vie du de cujus». Il faut ainsi, par un examen minutieux des éléments de chaque espèce, déterminer en quel lieu la personne concernée a volontairement et durablement fixé le centre principal de ses intérêts. Pour caractériser ces éléments intentionnels et matériels du domicile, il est nécessaire de réaliser une analyse in concreto de l’intégralité de la vie personnelle et professionnelle : toutes les catégories d’intérêts doivent être prises en compte, qu’ils soient d’ordre patrimonial ou extrapatrimonial, afin de localiser le domicile d’une personne. Le domicile se détermine par une méthode qui relève du faisceau d’indices : plus il y a d’indices démontrant que l’intéressé avait fixé volontairement en tel lieu le centre de ses intérêts avec l’intention d’y rester, plus ce lieu doit être retenu comme celui de son domicile.

2442 – Le changement de domicile. – Le changement de domicile s’opère par le fait d’une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l’intention d’y fixer son principal établissement1012.

Le transfert effectif de l’habitation dans un autre lieu est une condition sine qua non du changement de domicile. Tant que ce transfert n’a pas eu lieu, et même si la double déclaration prévue par la loi en cas de changement de domicile a été faite, ce changement ne s’opère pas. En revanche, dès que l’habitation a été transférée, le changement de domicile intervient immédiatement, à supposer toutefois que la seconde condition soit également remplie.

Le Code civil prévoit une preuve légale de cette intention : une double déclaration expresse auprès de la municipalité du lieu que l’on quitte, et de celle du lieu où l’on transfère son domicile1013. Toutefois cette formalité, non obligatoire, est rarement utilisée, et elle ne crée qu’une présomption1014.

Le transfert de l’habitation doit s’accompagner de l’intention d’y fixer son principal établissement, donc de changer de domicile. À défaut, le nouveau lieu d’habitation sera considéré comme résidence secondaire. Toutefois il faut préciser que la preuve du changement de domicile peut se faire par tout moyen. À défaut de preuve légale, la preuve de l’intention dépendra des circonstances1015. La continuité de l’habitation dans la nouvelle résidence peut être retenue. Plus généralement, la jurisprudence exige des circonstances claires et non équivoques.

La notion de résidence telle que définie par l’article 4 B du Code général des impôts est assez proche de celle de domicile de l’article 102 du Code civil. Attention : il faut être prudent dans l’analyse de la notion de résidence principale, car une personne pourrait être résidente fiscale d’un État au sens de l’article 4 B du Code général des impôts et résidente à titre principal dans un autre État au sens de l’article 102 du Code civil.

§ II – La désignation par le contribuable de son domicile ordinaire n’est pas applicable en matière fiscale

2443 La notion civile de résidence effective et habituelle est indépendante de la notion fiscale.

Elle correspond à l’endroit que le contribuable définira comme étant son domicile «ordinaire».

Il se peut que celui-ci corresponde au domicile fiscal de ce dernier, mais rien n’y oblige.

Il est fréquent, en matière internationale, qu’une personne ayant des liens étroits avec un autre pays possède une résidence en France et une seconde dans cet autre pays, et qu’elle établisse deux déclarations de revenus tant en France que dans cet autre pays pour les revenus ayant pour source chacun d’eux.

Dans un tel cas, on est en présence de deux résidences (mais d’un seul domicile) et de deux déclarations fiscales de revenus (une dans chaque pays).

Cette personne peut donc être domiciliée au sens de l’article 102 du Code civil en France, alors qu’elle prétendrait avoir son domicile ordinaire à l’étranger. L’analyse du traitement civil étudié ci-avant sera détachée de l’analyse du domicile fiscal.

§ III – La notion de résident selon le règlement (UE) n° 650/2012 ; résidence habituelle : notion non applicable en matière fiscale

2444 Le règlement (UE) n° 650/2012, dit règlement «Successions», a apporté d’importantes innovations pour le règlement des successions ouvertes depuis le 17 août 2015. Ce texte a posé une règle générale de compétence énoncée à l’article 21, selon laquelle : «La loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès» avec une exception : la professio juris. Le lecteur pourra se référer pour approfondissement au travail de la troisième commission.

Cette nouvelle notion de résidence habituelle, qui devrait dans l’avenir bénéficier d’un «éclairage» jurisprudentiel, ne doit pas être confondue avec celle du domicile des articles 102 et suivants du Code civil. Il ne faudrait pas plus confondre celle-ci avec celle de la résidence fiscale.

Cette notion de résidence habituelle n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre des successions internationale (elle n’a pas à s’appliquer dans le cadre d’une succession nationale ni en matière fiscale).

Pour conclure, a notion de domicile définie à l’article 102 du Code civil, ainsi que celles dites de la résidence «ordinaire» ou du règlement européen «Successions» ne sont pas applicables en matière fiscale. À l’inverse, celle résultant de l’article 4 B du Code général des impôts ou celle déterminée en vertu d’une convention fiscale seront de droit.

Section II – La notion de résidence fiscale en droit interne : CGI, art. 4 B

2445 Aux termes de l’article 4 A du Code général des impôts : «Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française». Et aux termes de l’article 4 B : «1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques».

Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs. C’est-à-dire qu’il suffit qu’un seul soit rempli pour que la domiciliation en France soit établie. En optant pour des critères alternatifs, le législateur a entendu donner à la notion de domicile fiscal en droit interne un champ d’application étendu. Toutefois, le droit interne ne s’applique qu’en l’absence de convention fiscale ou encore en présence d’une convention, à condition toutefois que celle-ci ne contredise pas le droit interne français.

La charge de la preuve qui devrait, en toute rigueur, incomber à l’administration qui prétend assujettir quelqu’un à l’impôt est, selon la jurisprudence du Conseil d’État, devenue fonction de l’instruction et par suite objective1016.

Dans un cadre international, la notion de domiciliation et ces critères continuent de s’appliquer, quand bien même le droit interne d’un autre pays viendrait à considérer qu’une personne est (selon ses propres critères) domiciliée en France. En pratique ce cas est très rare. Par exemple, la France peut considérer une personne non résidente alors qu’une autre nation indique que cette personne est selon son droit interne résidente de France.

Existe-t-il une date particulière et déterminée au cours de l’année pour apprécier la qualité de résident fiscal ? Il faut savoir qu’en France on peut être résident seulement une partie de l’année civile (cette possibilité n’est pas admise en droit interne dans tous les pays). Par conséquent, le contribuable devra prouver cet état pour pouvoir revendiquer la qualité de résident ou pas. On comprend aisément l’intérêt de déterminer la date de «basculement» (notamment en matière d’imposition des plus-values immobilières et des prélèvements sociaux).

§ I – Foyer ou lieu de séjour principal en France

2446 Ces deux critères sont dits «d’ordre personnel». Ces sous-critères alternatifs, d’égale valeur, sont parfois utilisés par la jurisprudence de façon cumulative.

A/ Le foyer

2447 D’une manière générale, le foyer s’entend du lieu où les intéressés (la personne ou sa famille ; conjoints et enfants) habitent normalement, c’est-à-dire du lieu de la résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent. Cette résidence demeure le foyer du contribuable même s’il est amené, en raison des nécessités de sa profession, à séjourner ailleurs temporairement ou pendant la plus grande partie de l’année, dès lors que, normalement, la famille continue d’y habiter et que tous ses membres s’y retrouvent1017.

Cette notion se rapproche de la notion civiliste et concrète qu’est la résidence.

La jurisprudence considère que la notion de foyer est caractérisée si le contribuable y habite normalement et s’il représente le centre des intérêts familiaux1018. Toutefois, en pratique, la satisfaction du premier critère entraîne généralement celle du second. Si le centre des intérêts familiaux d’un contribuable est situé en France, il ne peut être considéré comme y ayant son foyer que s’il y habite normalement.

Pour l’administration fiscale, la résidence habituelle du contribuable demeure son foyer même s’il est appelé pour des raisons professionnelles à séjourner à l’étranger la plus grande partie de l’année, si toutefois sa famille continue d’y habiter et que tous les membres s’y retrouvent1019. Cette position a été confirmée dans l’affaire Corellou1020.

Dans le même sens, un contribuable en instance de divorce, dont l’épouse et leurs trois enfants mineurs résidaient en France, doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant eu en France son foyer1021.

La simple possession d’une résidence secondaire ne peut être considérée comme «un foyer».

2448 – Le Conseil d’État a précisé la notion de foyer pour les concubins ainsi que pour les célibataires. – Concernant les concubins, le fait qu’ils constituent deux foyers fiscaux distincts, étant imposables séparément, ne fait pas obstacle à la constitution d’un foyer pour la détermination du domicile fiscal. Il n’y a donc pas lieu de distinguer entre concubins et conjoints1022.

Le foyer d’un célibataire doit, quant à lui, s’entendre du lieu où ce dernier habite habituellement et a le centre de sa vie personnelle (et non pas le centre de ses intérêts familiaux). Il a donc bien un foyer, même s’il n’a pas constitué une cellule familiale, qui ne se situe pas où réside sa famille proche1023.

Le critère du centre de la vie professionnelle est un critère parfois imprécis qui ne se confond pas systématiquement avec le critère du séjour et du travail. Ainsi il arrive que le juge considère qu’un célibataire envoyé en mission hors de France soit résident français alors qu’il séjourne et travaille hors de France1024.

Un footballeur professionnel célibataire ayant joué au cours de la période contestée au sein d’un club français, puis italien, puis à nouveau français et qui avait à sa disposition une habitation en France avant, pendant, et après sa carrière italienne qui avait duré quinze mois a également été considéré comme ayant son foyer en France1025.

– La notion de foyer : l’influence en cas d’existence d’enfants mineurs ou majeurs. – Enfants majeurs : le fait que les enfants majeurs résident en France est, sauf circonstances particulières, étranger à la détermination du centre des intérêts familiaux des parents. Dans ce sens, les juges du Conseil d’État ont récemment annulé une décision d’appel qui avait retenu comme indice, pour établir qu’un couple avait son domicile fiscal en France, le fait que leurs enfants majeurs résidaient en France1026.

Enfants mineurs : à l’inverse, un couple ou une personne divorcée sont réputés résidents fiscaux en France et y avoir le centre des intérêts vitaux familiaux, en présence d’enfants mineurs scolarisés en France.

En ce sens1027, le Conseil d’État a considéré qu’un contribuable divorcé n’ayant pas la garde de ses enfants mineurs était domicilié en France car ses deux enfants vivaient en France, qu’il avait avec eux des relations régulières et qu’il avait à sa disposition un logement dans lequel sa famille se réunissait lorsqu’il venait en France, ainsi que des véhicules automobiles sur place.

Le Conseil d’État a pris la même position1028dans une affaire où un couple de parents de nationalité russe, titulaires chacun de la carte de résident, était locataire d’un appartement en France dans lequel le fils mineur résidait en permanence. Dans cette espèce, le mari avait séjourné principalement hors de France pendant les années concernées et la femme avait principalement résidé en Russie. Cet arrêt nous rappelle que le critère du foyer prévaut sur celui du séjour principal et que le lieu de scolarisation et de vie de l’enfant mineur est déterminant pour la localisation du foyer.

– La notion de foyer. Cas des familles recomposées et de la polygamie. – La famille recomposée : la domiciliation fiscale ne s’appréciant plus au niveau du mari «chef de famille» mais au niveau de chacun des membres du foyer fiscal au sens de l’article 6 du Code général des impôts, il peut y avoir lieu de considérer le lieu de résidence habituelle du mari aussi bien que celui de la femme, ou de la concubine notoire1029. Selon un auteur, il est fort probable que l’existence d’un pacte civil de solidarité serait pris en compte de la même manière1030.

En cas de polygamie ou de concubinage adultérin, le juge, dans l’affaire Zitouni1031, a considéré que M. Zitouni avait son foyer en France parce qu’il y possédait une habitation où sa première épouse et ses enfants issus de cette union logeaient alors même qu’il travaillait et résidait à l’étranger avec sa seconde épouse et leurs enfants issus de cette seconde union. Dans cette espèce, le juge a privilégié le foyer légitime au regard du droit français.

Le juge refuse d’accepter l’argumentaire selon lequel les liens du mariage en France seraient sans effet en France1032.

L’essentiel à retenir

Conclusion : on constate que le juge accepte assez largement de considérer qu’une personne possède un foyer en France. Il utilise un faisceau d’indices, notamment le lieu de séjour et le lieu de travail, le lieu de scolarisation des enfants mineurs, mais aussi des faits tels que celui de faire expédier en France du courrier sans fournir d’adresse de réexpédition, d’être inscrit sur les listes électorales ou d’avoir souscrit des abonnements aux services tels que l’eau, le téléphone ( avec l’existence de consommations), d’avoir des comptes bancaires actifs ouverts en France, etc.

Attention

L’article 4 B, 1-a du Code général des impôts mentionne «le foyer» ; or les conventions fiscales mentionnent «un foyer». Il faudra être attentif pour ne pas faire de confusion.

B/ Le lieu de séjour principal

2449 À défaut de foyer en France1033, l’administration prend en considération le lieu du séjour principal, apprécié au niveau du seul contribuable, et non plus de son foyer, comme précédemment. Une personne qui séjourne en France plus de 183 jours par an, soit une durée supérieure à six mois1034, sera considérée comme ayant son domicile fiscal en France, même si sa famille réside dans un autre État. Peu importe par ailleurs les modalités du séjour (location, hôtel, logement mis gratuitement à disposition, etc.).

Ainsi, a été considéré comme imposable en France un étudiant étranger qui a résidé en France de manière permanente d’octobre N à octobre N+4 et n’a été admis à poursuivre ses études à l’Université d’Alger qu’à compter du 6 décembre N+4. Il a pu ainsi être regardé comme ayant eu au cours des années N+3 et N+4 le lieu de son séjour principal en France1035.

Le critère de 183 jours n’est cependant pas absolu, l’administration se réservant la possibilité de l’écarter au vu des circonstances de fait. En effet, le Conseil d’État s’est abstenu de se référer à ce critère lorsque les circonstances de fait donnaient à penser que le contribuable avait bien en France le lieu de son séjour principal, et notamment dans le cas où au cours des années considérées, l’intéressé avait résidé en France pendant une durée nettement supérieure à celle des séjours effectués dans différents pays étrangers1036.

Par exemple, dans l’affaire de Mme A. Lear1037, une artiste de variétés de nationalité britannique, celle-ci a été assujettie à l’impôt sur le revenu en France où l’administration fiscale l’a considérée comme résidente, même si elle n’y avait pas effectivement passé au moins la moitié (en jours de présence) de l’année. Elle n’avait séjourné en France que soixante-dix jours au cours d’une des années concernées. Le juge avait retenu un faisceau d’indices, notamment les mouvements des comptes bancaires de l’intéressée et ses dépenses à Paris, le téléphone et l’électricité payés par elle, le fait d’autre part qu’elle ait eu un véhicule stationné à Paris et les notes d’essence régulières.

La durée de séjour, élément utile à considérer dans certains cas, n’est pas un critère absolu au regard de la jurisprudence1038.

Comment la jurisprudence combine-t-elle ces deux critères (le foyer et le lieu de séjour principal) ?

2450 Le Conseil d’État considère que le critère du foyer est prioritaire et que celui du lieu de séjour principal est subsidiaire : ce dernier ne s’applique que si le contribuable ne dispose pas de foyer. Par conséquent, il a unifié les deux critères qui ne sont plus vraiment alternatifs. Le juge doit donc déterminer, dans un premier temps, s’il existe «un foyer» en France ou à l’étranger. De cette position nous pouvons en déduire plusieurs hypothèses :

première hypothèse ; existence d’un foyer en France : le lieu de séjour serait sans importance ; le contribuable est considéré fiscalement domicilié en France ;

deuxième hypothèse ; existence d’un foyer hors de France : le lieu de séjour est également sans importance, on ne pourrait alors considérer le contribuable comme résident français que sur la base des critères d’ordre professionnel ou économique et non plus d’ordre personnel.

La présence temporaire et pour des circonstances exceptionnelles (par ex. : la maladie, ou un événement à l’étranger engendrant le besoin de venir sur le territoire français avant de rapatrier sa famille) ne permettra pas de fixer le domicile fiscal d’une personne en France1039 ;

troisième hypothèse ; à défaut de foyer déterminable : dans ce cas particulier, le critère du lieu de séjour principal pourra alors s‘appliquer et indiquera le domicile fiscal du contribuable1040. Tel serait le cas si :

le contribuable vit seul et dispose de manière permanente d’au moins deux habitations, dont une en France ;

le contribuable et sa famille ont la disposition permanente de deux logements, l’un en France, l’autre à l’étranger 1041;

le centre des intérêts familiaux est partagé entre la France et un pays étranger en ce que le contribuable peut être considéré comme ayant deux familles en cas de concubinage adultérin par exemple1042.

§ II – Exercice en France d’une activité professionnelle non accessoire

2451 Ce critère est dit «d’ordre professionnel».

Une activité accessoire est celle qui génère moins de 50 % des revenus totaux de la personne qui l’exerce, ou encore qui correspond à moins de 50 % du temps passé1043. Il peut s’agir d’une activité professionnelle salariée ou non.

Est notamment une activité professionnelle :

pour les salariés, le domicile est fonction du lieu où ils exercent effectivement et régulièrement leur activité professionnelle ;

pour les mandataires sociaux d’une société dont le siège social ou de direction effective est situé en France, cette situation implique, en principe, l’exercice sur le territoire français du mandat social (BOI-IR-CHAMP-10, n° 180).

Est notamment une activité principale : lorsqu’une personne pratique simultanément plusieurs professions ou la même profession dans plusieurs pays, l’intéressée est considérée comme domiciliée en France si elle y exerce son activité principale. L’activité principale s’entend de celle à laquelle le contribuable consacre le plus de temps effectif, même si elle ne dégage pas l’essentiel de ses revenus. Dans l’hypothèse où un tel critère ne peut être appliqué, il convient de considérer que c’est celle qui procure à l’intéressé, directement ou indirectement, la plus grande part de ses «revenus mondiaux»1044.

Ce critère professionnel ne s’applique que rarement de façon autonome.

§ III – Localisation en France du centre des intérêts économiques

2452 Les critères d‘ordre dit «économique» permettent d’affirmer qu’un contribuable est résident fiscal (qu’il réside ou non sur le territoire français, et même si son foyer ou son activité principale sont établis et exercés hors de France) dès lors que cette personne aura le centre de ses activités économiques en France, d’où elle tirera la part la plus importante de ses revenus1045. Le patrimoine devant être pris en considération pour l’appréciation de ce critère est le patrimoine productif de revenus (non celui qui est improductif). Dans le cas particulier d’une personne percevant d’importants revenus professionnels en Grèce de son activité d’armateur alors que son patrimoine en France était constitué de biens improductifs (à savoir des biens immobiliers et des comptes courants dans des sociétés de golf, ne lui procurant pas de revenus), le juge a considéré que le centre des intérêts économiques de cette dernière ne se situait pas en France1046.

Autre exemple : un retraité qui réside à l’étranger et qui perçoit une unique pension de retraite versée par un organisme français (on est en présence d’un revenu exclusivement de source française) est considéré comme ayant son centre des intérêts économiques en France (sauf cas d’application d’une convention)1047.

En cas d’existence de revenus tant de source française qu’étrangère, on compare le montant de revenu que le contribuable perçoit de ces deux sources (le revenu de son travail devra être cumulé avec celui de ses propriétés). Toutefois, en cas d’absence de revenu en France et à l’étranger, alors il faudrait comparer la valeur des patrimoines situés en France et à l’étranger.

En pratique

Dans le cadre d’une étude patrimoniale comprenant l’analyse de ce critère économique, il faudra être attentif ; les revenus à comparer sont les revenus «bruts»1048.

Attention aux importantes plus-values de cession, car elles peuvent faire basculer (l’année de la cession) la majorité des revenus en faveur d’une source française ou étrangère. Il sera peut-être souhaitable de préconiser des cessions limitées dans le temps ou étalées sur plusieurs années1049.

§ IV – Le rescrit

2453 Les critères posés par l’article 4 du Code général des impôts et par la jurisprudence sont extrêmement larges. Il est de ce fait possible qu’une personne domiciliée fiscalement en France le soit également dans un autre État par application du droit interne de cet autre État. On conseille vivement, en cas de doute sur la localisation du domicile fiscal d’une personne, de solliciter un rescrit afin de bénéficier de la garantie de l’article L. 80 B, 1° du Livre des procédures fiscales.

Le rescrit nécessitant de décliner l’identité du contribuable, il ne pourra être sollicité qu’avec son agrément. Il faudra être précis lors de sa rédaction sur les faits, car l’administration fiscale n’est tenue par sa réponse que si ces derniers sont ceux évoqués.

§ V – Le cas des agents de l’État

2454 Les agents de l’État qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France.

Ces agents sont domiciliés en France, même s’ils ne remplissent pas les critères d’ordre personnel, professionnel ou économique sus-indiqués.

§ VI – Tableau comparatif de la notion de résidence en droit interne selon les pays

2455 La double résidence des couples mixtes : les critères de l’article 4 B du Code général des impôts doivent s’appliquer isolément à chaque conjoint ou partenaire de pacte civil de solidarité, par conséquent on peut avoir des couples dont l’un est résident alors que l’autre sera non-résident.

Citons quelques exemples de notion de résidence selon le droit interne de certains pays. Ces exemples sont indiqués pour permettre au lecteur de prendre connaissance d’une partie des critères de domiciliation existant en droit comparé. Il faudra toutefois être prudent et ne pas considérer ce tableau comme étant effectif au moment de sa lecture. En effet, les règles sont très changeantes et vous serez dans l’obligation de contacter un fiscaliste localement compétent pour vous en assurer :


Section III – La notion de résidence en droit conventionnel

2456 En pratique, le droit interne des États peut créer des situations dans lesquelles un même contribuable sera traité comme résident fiscal de deux ou plusieurs États. Pour éviter une double imposition, les conventions définissent le champ d’application et les personnes concernées.

Aux termes de l’article 4 du modèle de convention OCDE, l’expression «résident d’un État contractant» désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l’impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État ou pour la fortune qui y est située. Ils doivent être en mesure de prouver l’assujettissement à un impôt dans les deux États.

Par conséquent, les contribuables exonérés (même s’ils ne le sont que sous certaines conditions) ne sont pas des résidents. Le paiement d’un impôt religieux1050ne peut être considéré comme suffisant.

La preuve de cette imposition doit émaner d’une autorité compétente et le document doit mentionner que le contribuable a été imposé en qualité de résident.

§ I – Modèle OCDE

2457 Un contribuable n’est considéré comme un résident de deux États que s’il est soumis à une double obligation fiscale illimitée, c’est-à-dire qu’il est imposable dans les deux pays sur ses revenus mondiaux. Si tel n’est pas le cas, il n’y a pas lieu d’appliquer la convention fiscale.

En cas d’application d’une convention, et si elle reprend le modèle de l’OCDE, les critères doivent être examinés dans l’ordre suivant1051 : le foyer d’habitation permanent (A), le centre des intérêts vitaux (B), le lieu de séjour (C), la nationalité (D), et enfin la procédure amiable (E).

A/ Foyer d’habitation permanent

2458 La notion de foyer d’habitation permanent recouvre toute forme d’habitation (maison, appartement, chambre meublée), tout mode d’occupation (propriété, location, mise à disposition) à condition d’avoir un caractère de permanence ; c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’une habitation aménagée et réservée à l’usage du contribuable d’une manière durable, ce qui exclut les séjours de courte durée (voyage d’agrément ou d’affaires ou d’études, stages dans des écoles).

Faute de texte, on considère qu’il existe un caractère de permanence à compter de deux ans. Entre un an et deux ans, on peut s’interroger. En deçà d’une année, il faut considérer qu’il ne s’agit pas d’un foyer d’habitation permanent.

Attention

Il ne faut pas confondre cette notion avec celle définie («le foyer») au sens du droit interne français ; les conventions font référence aux habitations dont le contribuable dispose et qui ont chacune un caractère permanent.

Si une personne n’a qu’un foyer d’habitation permanent dans l’un des États contractants, alors on considérera qu’il est résident de cet État au sens de la convention fiscale sans examiner les critères subsidiaires. À défaut, on passera au critère subséquent du centre des intérêts vitaux.

B/ Centre des intérêts vitaux

2459 Pour apprécier ce critère, doivent être pris en considération les liens personnels et économiques sans hiérarchie entre les deux : c’est-à-dire l’existence de relations familiales et sociales, d’activités politiques et culturelles, mais également le siège des affaires, et le lieu où le contribuable administre ses biens1052.

Le juge analyse chaque situation pour retenir un faisceau d’indices qui sera révélateur de liens personnels et/ou professionnels. À ce titre, il sera pris en compte notamment :

le fait que la personne est intégrée à la vie sociale d’un des États ;

les consommations en eau, électricité, téléphone ;

le lieu de scolarisation des enfants ;

le pays servant les soins médicaux ;

l’existence d’une voiture ;

l’existence de comptes bancaires ;

la réexpédition de son courrier à une adresse constante ;

les adresses indiquées aux différents organismes ;

l’existence dans l’un des territoires d’achats fréquents courants ;

l’inscription sur une liste électorale ;

mais également le fait pour un contribuable de manifester sa volonté de se faire enterrer dans l’un des pays1053.

Ce critère est imprécis et subjectif. Dans le cadre de l’existence de liens économiques plus forts vis-à-vis d’un État et de liens personnels en faveur d’un second, pour trancher le juge regarde s’il existe une imposition entre le contribuable et le pays avec lequel il existe les liens personnels pour affirmer qu’il est résident de ce pays.

À défaut de pouvoir déterminer le centre des intérêts vitaux, il faudra se référer au critère subsidiaire : le lieu du séjour habituel.

C/ Lieu de séjour habituel

2460 On fait référence à la présence physique sur les différents territoires.

On doit tenir compte des séjours du contribuable tant dans son foyer d’habitation que dans tout autre endroit à l’intérieur de ces États.

Le lieu de «séjour habituel» ne doit pas être confondu avec celui «le plus habituel» ou «principal».

En effet, il peut exister un lieu de séjour habituel dans chaque État, alors même que le contribuable aurait passé plus de temps dans l’un des deux pays. De plus, le juge ne fait pas obligatoirement le décompte des jours passés sur chaque territoire. Il a la possibilité de déclarer qu’il existe dans chaque pays un lieu de séjour habituel. Dans ce cas, il faudra passer au critère subsidiaire de la nationalité.

D/ Nationalité

2461 Ce critère est facile d’utilisation et déterminant. Le juge l’utilise volontiers si la situation du contribuable ne permettait pas l’application des critères précédents1054.

Toutefois, si le contribuable a la nationalité des deux États ou s’il ne possède aucune de ces dernières, alors il faudra s’en remettre à la procédure amiable.

E/ Procédure amiable

2462 Cette procédure confie aux autorités de deux pays le soin de trancher d’un commun accord la notion de résidence.

Le juge n’est pas lié sur cet accord qui n’a vis-à-vis de lui qu’une valeur relative.

La notion de résidence en présence d’une convention fiscale établie sur le modèle OCDE étant étudiée, précisons qu’il existe en pratique des conventions qui n’appliquent pas ou que partiellement le modèle préconisé par l’OCDE. Tel est généralement le cas lorsque l’un des États a mis en place une politique fiscale agressive pour attirer certains investisseurs.

Comment la notion de résidence est-elle traitée dans ces cas ?

§ II – En dehors du modèle OCDE

2463 La notion de résidence dans le cadre de conventions hors modèle OCDE peut parfois s’appuyer et renvoyer au droit interne des États.

Nous pouvons citer, à titre d’exemple, la convention franco-irlandaise du 21 mars 1968 : un contribuable qui serait considéré comme résident français au sens de l’article 4 B du Code général des impôts ne peut être considéré comme résident fiscal d’Irlande. Si ce dernier peut être qualifié de résident au sens du droit fiscal interne des deux pays, la convention n’a plus vocation à s’appliquer1055.

D’autres conventions ne s’appuient pas sur le droit interne des États. Dans ce cas particulier, elles indiquent les critères qu’elles souhaitent retenir pour qu’un contribuable soit considéré comme un résident. Citons pour exemple le cas des conventions franco-belge et franco-ivoirienne. Faisons observer que même dans ce cas, il sera nécessaire, avant d’appliquer les critères conventionnels, d’examiner au préalable le droit interne.

Enfin, d’autres conventions s’appuient sur des critères partiellement différents de ceux préconisés par l’OCDE.

Section IV – La notion de résidence des personnes morales

2464 Les personnes morales et physiques bénéficient du jeu des conventions à la condition qu’elles soient «résidentes» et assujetties à l’impôt. Pour pouvoir revendiquer cette qualité au sens conventionnel, le contribuable doit être un vrai résident, c’est-à-dire être en capacité de justifier d’un assujettissement intégral. Dans ce sens, le modèle de la convention fiscale de l’OCDE exclut le résident assujetti uniquement sur les revenus de source situés dans cet État ou pour la fortune qui y est située.

Il faut toutefois modérer le critère d’assujettissement intégral à l’impôt pour indiquer qu’un contribuable non assujetti en raison d’une situation déficitaire ou en vertu d’un revenu inférieur au seuil taxable est toutefois considéré comme résident.

Lorsqu’une personne morale est traitée par deux États comme un résident (cas de double résidence), en application de l’article 4, 3 du modèle OCDE, il faut faire référence au siège de direction effective, c’est-à-dire le lieu où la société est effectivement dirigée1056. La France considère que la société doit être domiciliée dans le pays où sont prises, quant au fond, les décisions clés tant sur le plan de la gestion que sur le plan commercial. Ce lieu est celui où la personne ou le groupe de personnes exerçant les fonctions les plus élevées prend ses décisions (par ex. : un conseil d’administration ou un directoire).


1003) Réforme réalisée par la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976, commentée par l’administration au BOI-IR-CHAMP-10.
1004) C. civ., art. 102 : «Le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement. Le lieu d’exercice des droits civils d’une personne sans domicile stable est celui où elle a fait élection de domicile dans les conditions prévues à l’article L. 264-1 du Code de l’action sociale et des familles».

1005) Il existe d’assez nombreux domiciles spéciaux qui se distinguent du domicile ordinaire par le fait qu’ils ne concernent que des situations particulières ou des actes juridiques déterminés.

Ils ne doivent pas être étendus au-delà de l’objet pour lequel ils ont été créés, et de ce fait ils n’acquièrent pas le caractère de généralité qui ferait obstacle à celui affirmé d’unité du domicile ordinaire : on trouve notamment le domicile d’élection, qui est le plus important et d’une application courante dans la pratique contractuelle. Il s’agit donc d’un domicile fictif (absence d’attache réelle du domicilié) et spécial.

1006) Avant l’entrée en vigueur du règlement (UE) «Successions» n° 650/2012, et conformément aux dispositions de l’article 110 du Code civil, la définition du domicile était déterminée par les règles du droit français et donc par référence aux dispositions de l’article 102 du même code.

Les règles de DIP alors en vigueur faisaient application de la loi de l’État sur le territoire duquel le défunt avait son dernier domicile pour les meubles (Cass. civ., 19 juin 1939, Labedan) conformément aux règles scissionnistes, et de la loi du lieu de situation pour les immeubles (lex rei sitae ; Cass. civ., 14 mars 1837, Stewart) et c’était le tribunal de ce lieu qui était compétent pour connaître de toutes les actions relatives à cette succession.

1007) CA Pau, 2e ch., 12 juin 2012, n° 11/01523 : JurisData n° 2012-025021.
1008) Cass. 1re civ., 25 juin 1980, n° 79-11.879 : Bull. civ. 1980, I, n° 199. – Cass. 2e civ., 22 nov. 1989, n° 87-15.300 : JurisData n° 1989-704419 ; Bull. civ. 1989, II, n° 359. – Cass. 2e civ., 26 avr. 1990, n° 90-60.122 : Bull. civ. 1990, II, n° 77.
1009) CA Metz, ch. civ., 29 juin 1993 : JurisData n° 1993-045914.
1010) JCP G 5 déc. 2014, n° 49, 1352.
1011) CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 6 mars 2014, n° 2014/146 : JurisData n° 2014-004967.
1012) C. civ., art. 103.
1013) C. civ., art. 104.
1014) CA Paris, 8 avr. 1948 : D. 1948, p. 251. – Cass. soc., 8 juin 1951 : D. 1951, p. 510.
1015) C. civ., art. 105.
1016) CE, 9 mai 1990, n° 57085, d’Errico : Dr. fisc. 1990, n° 39.
1017) CE, 23 avr. 1958, n° 37792. Ainsi, les salariés détachés provisoirement à l’étranger par leur entreprise sont normalement considérés comme fiscalement domiciliés en France s’ils ont laissé leur famille dans notre pays (BOI-IR-CHAMP-10, n° 100).
1018) CE, sect., 3 nov. 1995, n° 126513, Larcher : RJF 12/1995, n° 1332.
1019) CE, 23 juin 2000, n° 196143 : Dr. fisc. 2001, n° 3, comm. 29. – CE, 3 nov. 1995, n° 126513 : Dr. fisc. 1996, n° 5, comm. 121, concl. J. Arrighi de Casanova.
1020) CAA Marseille, 3e ch. A, 28 févr. 2002, req. n° 98-1045, M. Corellou : JurisData n° 2002-223310, concl. : «Considérant que si M. Corellou indique avoir séjourné en Tunisie 183 jours et un mois en Espagne au cours de l’année 1984, il résulte de l’instruction que Mme Corellou est demeurée en France durant toute cette période ; que si le requérant invoque l’absence de liens affectifs avec son épouse dont il a divorcé le 13 juin 1990, cette circonstance, corroborée par la déclaration effectuée par Mme Corellou auprès des services de police le 17 octobre 1988 selon laquelle son mari ne vivait plus avec elle depuis 1981, n’est pas de nature à établir qu’il ne disposait pas, pour l’année 1984, d’un foyer en France».
1021) CE, 25 mars 2013, n° 351822, Amar.
1022) CE, 8e et 3e ss-sect., 27 janv. 2010, n° 319897, Min. c/ Tounsi : Dr. fisc. 2010, n° 23, étude 358, F. Dieu ; dans cette espèce, le juge a traité la concubine sur le même plan qu’une épouse alors même que chacun des concubins constituait un foyer fiscal distinct. – CE, 8e et 3e ss-sect., 3 févr. 2011, n° 327804, Min. c/ Dejonghe-Labarche : RJF 4/2011, n° 399 ; cas d’un concubinage stable et continu.
1023) CE, 8e et 3e ss-sect., 17 mars 2010, n° 299770, Min. c/ Blanc : JurisData n° 2010-002269 ; Dr. fisc. 2010, n° 23, étude 358, F. Dieu.
1024) CE, 10e et 9e ss-sect., 17 déc. 2010, n° 3061174, Léostic : RJF 3/2011, n° 264.
1025) CAA Lyon, 2e ch., 26 oct. 2006, n° 01LY02689, Blanc.
1026) CE, 22 juin 2016, n° 386131.
1027) CE, 31 mars 2014, n° 357019 : JurisData n° 2014-007196.
1028) CE, 17 mars 2016, n° 383335 : JurisData n° 2016-005159.
1029) Pour ex., CAA Marseille, 3e ch., 14 mars 2002, nos 99-1934 et 99-2215, Guérin : Dr. fisc. 2002, n° 42, comm. 827.
1030) JCl. Notarial Répertoire, Fasc. 3240, G. Gest.
1031) CAA Nancy, 2e ch., 30 janv. 1992, n° 113, Zitouni : RJF 7/1992, n° 927 ; arrêt définitif.
1032) CAA Paris, 9e ch., 15 janv. 2015, n° 12PA03956 : RJF 4/2015, n° 293.
1033) En ce sens, CE, 27 juin 2018, n° 408609. Dans cette espèce, il est rappelé qu’en présence d’un foyer en France il n’y a pas lieu de se reporter au critère du lieu de séjour principal : il ressortait des pièces de ce dossier que le contribuable travaillait sur des plates-formes pétrolières en Angola et qu’il arguait qu’il pouvait bénéficier, pour les salaires qu’il avait perçus, de l’exonération d’impôt sur le revenu par les dispositions de l’article 81 A du Code général des impôts. Le Conseil indique «que si M. A., divorcé de son ex-épouse française et travaillant en Angola, n’avait pas conservé une habitation personnelle en France, il avait cependant conservé une adresse postale et une domiciliation fiscale et administrative, au domicile de son ex-épouse à laquelle le domicile conjugal avait attribué par le jugement prononçant leur divorce, avait bénéficié de soins médicaux en France et y possédait plusieurs comptes bancaires, une voiture et un terrain, sur lequel il avait fait édifier une habitation achevée postérieurement aux années en litiges./ M. A… devait être regardé comme ayant eu son foyer en France au cours de ces années».
1034) BOI-IR-CHAMP-10, n° 130.
1035) CE, 4 juill. 1984, n° 33800.
1036) CE, 19 nov. 1969, n° 75925.
1037) CAA Paris, 20 juin 1991, n° 89-1322.
1038) CE, 24 mars 1972, n° 75452 : Dupont 1972, p. 217.
1039) CAA Paris, 10e ch., 2 févr. 2016, n° 15PA01092.
1040) CE, 9e et 10e ss-sect., 15 avr. 2015, n° 361828 : RJF 7/2015, n° 606.
1041) CAA Marseille, 4e ch., 22 janv. 2008, n° 05MA01453, Serguei.
1042) Il faut préciser que dans ce cas particulier, un tribunal a pu privilégier le foyer légitime. V., en ce sens, TA Toulouse, 2e ch., n° 99-3472, Gerschel.
1043) CAA Lyon, 26 juill. 1990 : Dr. fisc. 1991, n° 13, comm. 679, obs. G. Tixier et T. Lamulle.
1044) CAA Douai, 2e ch., 30 nov. 2010, n° 08/1075, Rosdorff : RJF 5/2011, n° 538. – BOI-IR-CHAMP-10, n° 220.
1045) CE, 8e et 3e ss-sect., 17 mars 2010, n° 299770, Min. c/ Blanc. – CAA Paris, 17 juill. 1990, n° 89/1960 : Dr. fisc. 1991, n° 4, comm. 72, G. Tixier et T. Lamulle.
1046) CE, 8e et 3e ss-sect., 27 janv. 2010, n° 294784, Caporal : JurisData n° 2010-081610 ; Dr. fisc. 2010, n° 23, comm. 365, Th. Lamulle.
1047) CE, 9e et 10e ss-sect., 17 juin 2015, n° 371412 : RJF 10/2015, n° 751.
1048) Cass. com., 30 mai 2000, n° 1214, Marchand : RJF 9-10/2000, n° 1178.
1049) Pour ex. : CAA Marseille, 4e ch., 25 mars 2016, n° 13MA00537 : Dr. fisc. 2016, n° 29, comm. 432.
1050) Par ex. : le zakat en Arabie saoudite, qui est un impôt religieux distinct de l’impôt sur le revenu.
1051) CE, 8e et 3e ss-sect., 29 oct. 2012, n° 346641, Kessler : RJF 1/2013, n° 83.
1052) En ce sens CE, 8e et 3e ss-sect., 17 déc. 2003, n° 241920, Dardashi.
1053) CE, 8e et 9e ss-sect., 14 mars 1979, n° 8046 : RJF 5/1979, n° 266.
1054) En ce sens : CAA Paris, 2e ch., 25 mars 1997, n° 95/2155, Zamfir : RJF 10/1997, n° 874.
1055) Cass. crim., 29 mars 1989, n° 87-81.891, Rey.
1056) Comm. OCDE, C(4), n° 22.
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