CGV – CGU

Partie III – La fiscalité internationale
Titre 1 – Principes généraux
Chapitre I – La territorialité
Section I – Principe d’imposition

2428 La France connaît un système mixte : les résidents français sont imposés de manière illimitée, c’est-à-dire que l’assiette de leur imposition est composée de tous les revenus mondiaux qu’ils perçoivent (approche mondiale)961, alors que les non-résidents sont soumis à une obligation fiscale limitée, c’est-à-dire que l’assiette de leur imposition se limite aux revenus perçus en France (approche territoriale).

Ce sont les notions de domicile fiscal ou de source de revenus qui permettent de définir le champ d’application de l’impôt sur le revenu. Depuis 1976962, on ne fait plus référence qu’à ces deux notions : celles de «résidence habituelle» et de nationalité ont été abandonnées.

§ I – L’obligation fiscale illimitée pour les résidents

2429 Les personnes physiques qui ont leur domicile en France sont imposables sur leurs revenus mondiaux, dans les conditions de droit commun (sous réserve naturellement des conventions fiscales). Elles sont imposables même si les revenus ont déjà supporté un impôt à l’étranger963.

Rappelons que la nationalité des contribuables est déconnectée de l’imposition et à ce titre tous les étrangers qui sont imposables en France bénéficient des avantages familiaux tel que le quotient familial964.

La déductibilité des pensions alimentaires versées à un créancier non-résident est admise, même si celle-ci est due en vertu d’une loi étrangère965.

Les gains réalisés à l’étranger sont imposables en France sans qu’il soit nécessaire de les rapatrier966. Il faut noter qu’en matière de fiscalité internationale, il est assez général que l’État du domicile impose le revenu non rapatrié (exception : le Royaume-Uni avec la pratique de la remittance basis)967.

Pour définir le montant des revenus étrangers imposables en France, en application de l’article 158 du Code général des impôts, on utilise les mêmes techniques que pour les revenus de source française : le revenu imposable est déterminé conformément aux règles françaises.

En l’absence d’une convention fiscale évitant la double imposition, il est admis, afin de limiter la double imposition, que les impôts payés hors de France sur les revenus acquis à l’étranger puissent être déduits de la base imposable en France968.

– Allègements ou exemptions. – Il existe plusieurs cas d’allègement des impositions des revenus de source étrangère : les agents de l’État en service à l’étranger969, les agents diplomatiques et consulaires de nationalité étrangère exerçant leur activité en France970, les contribuables détachés à l’étranger971(expatriés), les contribuables exerçant temporairement une activité professionnelle à l’étranger972.

§ II – Les non-résidents français : l’obligation fiscale limitée

2430 Les non-résidents, quant à eux, sont les personnes qui ne sont pas domiciliées en France en vertu des règles de l’article 4 B du Code général des impôts (V. infra, n° a2445) et celles qui habitent en France, mais qui, en vertu de l’application d’une convention fiscale internationale, perdent la qualité de résident au sens du droit interne.

Ces personnes sont imposables uniquement au titre des revenus de source française, limitativement énumérés par la loi973.

Ils étaient également imposables avant 2015 sur une assiette égale à trois fois la valeur locative des habitations dont ils disposaient en France974.

Il faut noter qu’en présence d’un non-résident, le domicile fiscal se définit à l’échelon de la personne, c’est-à-dire que deux conjoints qui sont non imposables séparément peuvent être domiciliés pour l’un en France et pour l’autre à l’étranger975.

On devra s’interroger sur la possibilité d’une imposition commune ou séparée. L’article 6-4 du Code général des impôts définit les cas d’impositions distinctes pour les époux séparés de biens et ne vivant pas sous le même toit976.

Un régime matrimonial étranger peut être considéré comme emportant séparation de biens au sens de cet article (tel est le cas du régime de droit commun marocain977ou du régime de la séparation de biens choisi par des époux mariés en Italie).

En cas d’impositions distinctes, les formulaires de la Direction générale des impôts mentionnent la qualité erronée de «divorcé» afin de liquider les impôts ; il ne faudra pas être surpris978.

Section II – Qu’est-ce que le territoire de la France au sens du droit fiscal ?

2431 Pour l’application de l’impôt sur le revenu, la France s’entend, du point de vue territorial :

de la France continentale, des îles du littoral et de la Corse ;

des départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte) sous réserve de certaines particularités concernant principalement le calcul de l’impôt979 ;

en revanche, elle n’inclut pas les collectivités d’outre-mer de la République française, régies par l’article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958 (Polynésie française, Terres australes et antarctiques françaises, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon et, sous réserve des dispositions particulières prévues par les articles LO 6214-4 et LO 6314-4 du Code général des collectivités territoriales qui prévoient une durée minimale de résidence de cinq ans, Saint-Barthélemy et Saint-Martin) ou par l’article 76 de la Constitution du 4 octobre 1958, ni la Nouvelle-Calédonie régie par l’article 77 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui disposent d’une compétence propre en matière fiscale. Dans ces conditions, les dispositions applicables à la France métropolitaine et aux départements d’outre-mer ne s’étendent pas aux collectivités d’outre-mer980.

Observation étant ici faite que les collectivités d’outre-mer qui ne font pas partie de la France, au sens fiscal, peuvent être liés à la «France» par des accords fiscaux (conventions fiscales ou accords fiscaux particuliers)981.

Section III – Comment définir un revenu de source française au sens du droit interne ?

2432 Il existe deux types de revenus de source française : ceux définis à l’article 164 B, I du Code général des impôts comme provenant de biens, de droits ou de l’activité génératrice de revenus, si ces biens, droits et activités sont localisés en France (§ I), et ceux définis à l’article 164 B, II du même code comme étant des revenus versés par un débiteur domicilié ou établi en France (§ II).

§ I – Les revenus de l’article 164 B, I du Code général des impôts

2433 Ce sont les revenus provenant de biens, de droits ou d’activités localisés en France.

Ils comprennent les revenus locatifs immobiliers provenant d’immeubles situés en France (notamment les revenus de droits réels immobiliers ou de droits indivis, actions ou parts de sociétés immobilières), mais également les plus-values immobilières.

Ils comprennent également les produits distribués au titre de valeurs mobilières françaises (notamment actions et obligations), sans tenir compte du lieu de dépôt des titres. Par exemple, les dividendes distribués d’une action de la société Air Liquide (société française) détenue dans un portefeuille situé en Espagne (hors de France) constituent un revenu de source française. Ce principe est applicable à l’inverse pour les titres étrangers déposés en France982.

Les revenus des exploitations situés en France sont de source française, même pour les ventes réalisées à l’exportation ou par l’intermédiaire de commissionnaires.

En ce qui concerne l’autoentrepreneur, ce régime peut bénéficier aux non-résidents qui respectent les conditions d’exigibilité, et dans ce cas, les revenus imposables en France sont uniquement ceux de source française983.

Les plus-values mobilières et les revenus correspondant à des prestations artistiques ou sportives fournies en France sont également des revenus de source française.

§ II – Les revenus de l’article 164 B, II du Code général des impôts

2434 Il s’agit des revenus versés par un débiteur ayant son domicile fiscal (ou étant établi) en France.

Tel peut être le cas des pensions et rentes viagères984.

Les recettes provenant de la propriété industrielle et les prestations de toute nature fournies ou utilisées en France sont également des revenus de source française.

Section IV – L’imposition des revenus des non-résidents

2435 Les revenus des non-résidents sont imposables le plus souvent et par simplicité sous la forme d’une retenue à la source, avec parfois un caractère libératoire, c’est-à-dire que le prélèvement est une imposition définitive.

Techniquement, certains revenus sont à inclure dans l’assiette imposable (§ I), alors que d’autres ne le sont pas (§ II) : le calcul de l’impôt est alors réalisé selon les règles de droit commun applicables en droit interne avec toutefois un taux minimum de 20 % jusqu’à 27 519 € et 30 % au-delà985(§ III).

§ I – Les revenus à inclure dans l’assiette de l’impôt sur le revenu

2436 Il s’agit principalement des revenus fonciers français et de ceux de type «Bénéfices agricoles» / «Bénéfices industriels et commerciaux» / «Bénéfices non commerciaux» provenant d’une entreprise située en France.

Le non-résident détermine son revenu net selon les règles françaises internes.

En revanche, le mode de calcul de l’impôt est différent : il ne peut pas bénéficier de l’abattement de 4 600 € ou 9 200 € pour les assurances vie ou assimilés986, et les charges du revenu global987ne sont pas déductibles.

Exemples de charges non déductibles

Plusieurs cas peuvent être cités en exemple :

la non-déductibilité de ses revenus de source française de la pension alimentaire versée par un non-résident à son ex-épouse résidant en France ;

la pension alimentaire versée aux enfants ;

l’impossibilité de bénéficier de réductions et crédits d’impôts tels que les régimes fiscaux immobiliers (du type Pinel ou Censi-Bouvard)988.

Certaines personnes sont traitées comme des résidents en matière d’imposition des revenus. On les appelle les non-résidents «Schumacker» : ils sont considérés comme des personnes fiscalement domiciliées en France, mais sont toutefois tenus à des obligations fiscales limitées au sens des conventions fiscales. Ce traitement est optionnel et se justifie par une situation de fait dans laquelle la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus est de source française989.

§ II – Les revenus à ne pas inclure dans l’assiette imposable

2437 Les revenus concernés sont ceux qui sont exonérés et ceux qui ont été soumis à une retenue à la source ou à un prélèvement libératoire.

Les revenus exonérés sont, par exemple, certaines plus-values de cessions de valeurs mobilières990.

Les revenus soumis à une retenue ou un prélèvement libératoire sont notamment les dividendes991, les plus-values immobilières non habituelles, les plus-values de cessions de certains droits sociaux992, et les salaires dans la limite de calcul de la retenue à la source au taux de 12 %993. Ces prélèvements sont libératoires et définitifs.

§ III – Comment se calcule l’impôt du non-résident ?

2438 Le non-résident doit déclarer ses revenus de source française selon les mêmes règles que les résidents. On applique le barème de droit commun et du quotient familial994. En cas de polygamie, la déclaration doit être faite au nom du mari et de la première épouse995.

Il existe toutefois un particularisme : les non-résidents supportent un taux moyen de l’impôt qui ne peut être inférieur à 30 %996.

Celui-ci a été fixé pour compenser la progressivité de l’impôt et du fait que les revenus de source étrangère ne sont pas à déclarer en France. Ce taux s’applique dès que le taux moyen réel d’imposition devrait être inférieur à ce seuil997. Il existe toutefois une exception pour les contribuables bénéficiant de faibles revenus998.

Pour les salaires, traitements, pensions et rentes viagères, il existe un mécanisme de retenue à la source999qui ne s’applique que sous réserve des conventions fiscales internationales (en effet, la convention peut retirer à la France le droit d’imposer). La retenue aura pour assiette le montant net des sommes versées. Le montant de la retenue à la source est défini selon un taux variant de 12 % et 20 %, calculé selon des tranches fixées par arrêté ministériel variant chaque année. Cette retenue aura un caractère libératoire limité1000pour certains contribuables ; pour les autres il y aura lieu de satisfaire aux obligations déclaratives d’usage et de payer le complément éventuel d’imposition.

Il existe un autre mécanisme de retenue à la source au taux de 33,1/3 % pour certains revenus non salariaux1001, dont les produits versés aux inventeurs, les droits d’auteur et les salaires pour les prestations sportives fournies ou utilisées en France.

L’assiette de cette retenue est le montant brut des sommes payées. Elle n’a pas de caractère libératoire. Par conséquent, le contribuable bénéficiera de l’imputation de la retenue sur le montant de son impôt sur le revenu qui sera calculé en application tant du barème, du quotient familial que du taux minimum de 20 %1002.

La déclaration et l’impôt sur le revenu seront gérés par le service des impôts des particuliers non résidents situé à Noisy-le-Grand.


961) CGI, art. 4 A : «Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française». Une exception est toutefois prévue en faveur des salariés détachés à l’étranger par leur entreprise et qui ont conservé leur foyer en France (CGI, art. 81 A et 197 C et BOI-IR-RSA-GEO-10).
962) Réforme réalisée par la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976, commentée par l’administration au BOI-IR-CHAMP-10.
963) CE, 8 oct. 2010, n° 323046, Sabatier.
964) BOI-IR-LIQ-10-10-10-40, n° 10.
965) BOI-IR-BASE-20-30-20-10, n° 50.
966) CE, 21 mars 1960, n° 43229, citée au BOI-IR-CHAMP-10, n° 20.
967) Le régime fiscal britannique de la remittance basis n’a pas pour objet d’exonérer définitivement de l’impôt sur le revenu britannique les revenus de source non britannique, mais permet simplement de ne comprendre ces revenus dans les bases de cet impôt qu’au moment de leur rapatriement ou de leur utilisation au Royaume-Uni. Cette possibilité n’est offerte qu’aux personnes résidentes qui sont not domiciled au Royaume-Uni. Les autres résidents britanniques sont soumis à la règle de la mondialité de l’impôt. Ils sont taxés sur l’ensemble de leurs gains et revenus au moment de leur réalisation, que ceux-ci soient de source britannique ou étrangère. Ils ont une obligation fiscale illimitée.
968) B. Gouthière, Les impôts dans les affaires internationales, Francis Lefevre, 11e éd. 2016, n° 1930.
969) CGI, art. 4 B, 2.
970) CGI, art. 5, 3.
971) CGI, art. 81 A et 197 C.
972) CGI, art. 81 D et 197 C.
973) Et sous réserve que la convention fiscale applicable n’ait pas retiré à la France le droit d’imposer le revenu qui pourrait être de source française au sens du droit interne.
974) CGI, ancien art. 164.

975) Pour le couple marié en communauté : imposition commune, mais celui qui est en France est assujetti à l’impôt sur son revenu mondial et l’autre sur son revenu de source française. Observation étant ici faite que les revenus de source étrangère du non-résident ne sont pas pris en compte pour le calcul du taux effectif.

Pour le couple marié en séparation de biens : imposition séparée s’ils ne vivent pas sous le même toit.

Attention : en présence d’un époux résident et de l’autre domicilié à l’étranger, le fait de ne pas vivre sous le même toit est parfois insuffisant, principalement en l’absence de convention fiscale et si le non-résident est considéré comme résident fiscal en France au sens de l’article 4 B du Code général des impôts.

976) BOI-IR-CHAMP-20-20-10, n° 30.
977) CAA Versailles, 3e ch., 11 oct. 2011, n° 10VE01820, Alaoui : RJF 12/2010, n° 1133.
978) Rép. min. Cambadélis n° 74623 : JOAN Q 4 août 2015, p. 5999.
979) BOI-IR-LIQ-20-30-10.
980) BOI-CHAMP-50
981) Pour exemple, convention fiscale avec la Nouvelle-Calédonie ou Saint-Pierre-et-Miquelon.
982) BOI-IR-DOMIC-10-10, n° 30.
983) BOI-BIC-DECLA-10-40-10, n° 30.
984) CGI, art. 164 B, II-a.
985) L. fin. 2019, art. 13.
986) BOI-RPPM-RCM 20-10-20-50, n° 240.
987) Pour l’administration fiscale, idem pour les réductions et crédits d’impôt.
988) La doctrine administrative autorise par dérogation le bénéfice des réductions d’impôts aux non-résidents dits «Schumacker» et aux agents de l’État en service à l’étranger (BOI-IR-RICI-230-10-10, n° 20 ; BOI-IR-RICI-360-10, n° 1).
989) BOI-IR-DOMIC-40.
990) Spécialement celles visées par l’article 244 bis du Code général des impôts.
991) Retenue à la source de 21 % ou de 30 % et 75 % si l’on est en présence d’un État non coopératif.
992) Retenue à la source forfaitaire de 45 % en cas de cession des droits détenus directement ou indirectement dans une société soumise à l’IS et ayant son siège en France, si la détention des titres par le cédant a été supérieure à 25 % à un moment quelconque au cours des cinq dernières années.
993) Les revenus excédentaires à ce plafond doivent être inclus dans l’assiette de calcul de l’impôt sur le revenu.
994) Les enfants et le conjoint sont pris en considération pour le calcul du quotient familial, même s’ils résident hors de France et même si leurs revenus de source étrangère ne sont pas imposables en France.
995) Les autres épouses font chacune une déclaration personnelle et sont fiscalement considérées comme étant célibataires pour l’application des règles du quotient familial (BOI-IR-CHAMP-20-10, n° 25).
996) Ce taux moyen n’est plus que de 14,4 % pour les départements et régions d’outre-mer.
997) BOI-IR-DOMIC-10-20-10, n° 360.
998) Ces contribuables peuvent demander à bénéficier du taux théorique de l’impôt français (calculé sur les revenus de source française et étrangère) en justifiant qu’il est inférieur au taux maximum. Pour un exemple de calcul : B. Gouthière, op. cit., p. 103).
999) CGI, art. 182 A.
1000) À condition que le revenu soit inférieur à la limite applicable du taux de  30 % et que le contribuable n’ait pas d’autres revenus l’obligeant à remplir une régularisation par voie de rôle.
1001) CGI, art. 182 B ; BOI-IR-DOMIC-10-20-50, n° 10.
1002) Il s’agit dans les faits d’un acompte déductible.
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