CGV – CGU

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 9 – L’arbitrage
Sous-titre 3 – Place de la clause compromissoire dans les actes notariés

2317 Si l’arbitrage international demeure peu préconisé dans les actes notariés français, d’autres professionnels l’utilisent plus facilement, notamment en Allemagne. Ceci s’explique peut-être par le fait que les notaires allemands, bénéficiant du monopole des actes en matière de cessions de titres sociaux, sont plus souvent confrontés aux actes de commerce internationaux. Par conséquent, ils ont été sensibilisés plus tôt à l’arbitrage en commerce international. Dans ce pays, l’arbitrage patrimonial est également plus utilisé qu’en France.

– En matière de commerce international. – Les contours sont désormais bien définis et rien ne s’oppose en pratique à son usage. Il convient pour les notaires d’expliquer aux parties l’existence, les avantages, mais aussi les inconvénients relatifs à l’insertion d’une convention d’arbitrage.

Il faut rappeler qu’il suffit que l’un des éléments à l’origine du litige intéresse l’économie de plus de deux pays pour que l’arbitrage soit qualifié d’arbitrage international.

– En matière de droit patrimonial international. – L’arbitrage international peut-il être inséré dans les contrats familiaux ?

Dans le cadre du règlement d’une succession, on peut constater que le règlement «Successions» n° 650/2012, dans ses dispositions intéressant la compétence juridictionnelle et la reconnaissance et l’exécution des décisions, ne mentionne pas l’arbitrage. Nombre d’autres règlements de l’Union européenne ont pris le soin d’exclure l’arbitrage de leur champ d’application. Comment faut-il interpréter ce silence ?

Selon un auteur728, l’arbitrage peut s’appliquer en matière successorale : il y a lieu de distinguer entre la loi applicable au litige et celle applicable à l’arbitrage. Et de conclure que « sous l’angle de la loi applicable au litige, ce règlement va et doit retrouver son empire ». Cet auteur continue son analyse en distinguant le cas du défunt ayant choisi sa loi nationale comme loi applicable à sa succession (alors le tribunal arbitral appliquera cette loi nationale) et le cas du défunt qui n’a pas choisi de loi applicable (à défaut de choix de loi applicable, le tribunal arbitral appliquera la loi de la dernière résidence habituelle du de cujus).

Enfin, il s’interroge sur la possibilité d’imaginer, dans le cadre d’une succession, le cas d’un défunt ayant rédigé un testament dans lequel serait insérée une clause compromissoire comme charge au terme de laquelle les litiges relatifs à la répartition des actifs seraient tranchés par un tribunal arbitral.

On comprend l’intérêt du recours à l’arbitrage dans un tel cas. Mais d’autres questions affluent : la clause compromissoire contenue dans un testament avec charge pourra-t-elle être reconnue par le juge ? Car la jurisprudence favorise le critère de la nature des relations économiques. En effet, le critère économique ne couvrira pas tous les cas comportant des éléments d’extranéité. À cette première question, il semble que l’on doive répondre positivement. D’autre part, l’un des héritiers pourrait-il s’y opposer ou pourrons-nous considérer que la clause compromissoire s’impose au titre de cette charge, ou au titre d’une subrogation conventionnelle729 ?

Un autre auteur730affirme également que le silence du règlement européen n° 650/2012, ne peut être entendu comme excluant le recours à l’arbitrage en matière successorale. L’arbitrage serait possible et le tribunal arbitral ne serait pas tenu d’appliquer les règles de compétence tel que prévu par ce dernier. Selon lui, la juridiction arbitrale ne pourra bénéficier du mécanisme de l’article 8 du règlement qui prévoit la possibilité pour les parties d’échapper à une procédure successorale ouverte d’office par une juridiction731.

Il relève deux types d’obstacles qui pourraient empêcher ou limiter le recours à l’arbitrage en matière successorale : un obstacle relevant de l’arbitrabilité de certains litiges et un second relatif à la question relative au consentement à l’arbitrage.

– En ce qui concerne la question de l’arbitrabilité des litiges en matière successorale. – En vertu de l’article 1504 du Code de procédure civile, « Est international l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international ». On l’apprécie par conséquent au regard d’un critère économique qui s’attache au litige. Peut-on affirmer qu’en matière patrimoniale les litiges mettent en cause des intérêts du commerce international ?

Une succession consiste à transférer des valeurs patrimoniales d’une personne (le de cujus) à une autre (l’héritier). Les litiges qui pourraient naître à l’occasion de ce transfert semblent relever des intérêts économiques, car il s’agit de droits évaluables en argent. Par conséquent, le critère économique ne semble pas réellement poser de difficulté. D’ailleurs de nombreux commentateurs confirment l’arbitrabilité des litiges successoraux732.

Les limites : la clause compromissoire pourra valablement figurer dans des contrats familiaux, mais il faudra toutefois que les parties n’aient pas stipulé sur des droits indisponibles : par exemple la filiation de l’un des comparants. Dans un tel cas, et selon cet auteur, la sentence arbitrale ne pourra être prononcée par l’arbitre qu’après traitement par le juge étatique de cette difficulté.

Dans le même sens, une clause unilatérale imposant le recours à l’arbitrage ne semble pas pouvoir porter sur les droits réservataires733. Par conséquent, si la liquidation de la succession risque de soulever des contestations tenant à la mise en œuvre de droits réservataires, alors il est préférable de ne pas envisager l’arbitrage ou de l’envisager avec beaucoup de prudence.

– En ce qui concerne la question du consentement à l’arbitrage. – Lorsque la convention d’arbitrage a fait l’objet d’un accord de l’ensemble des héritiers (tel est le cas en présence d’un pacte successoral liant toutes les personnes intéressées par une succession, une donation-partage), alors le consentement à l’arbitrage ne pose pas de difficulté.

À l’inverse, lorsque les héritiers seront tenus à l’arbitrage suite à un acte régularisé par le de cujus seul ou en présence de certains héritiers seulement, faut-il alors considérer que la convention d’arbitrage est inapplicable ?

Dans le cadre d’un testament prévoyant le recours à l’arbitrage, cette question semble recevoir de la part des commentateurs une réponse négative, et de nombreuses réserves sont évoquées734.


728) C. Nourissat, L’apport du droit de l’Union européenne à l’arbitrage : JCP N 23 déc. 2016, n° 51-52, p. 33.
729) CA Paris, 13 nov. 1992 : Rev. arb. 1993, p. 632, note J.-L. Goutal.
730) P. Wautelet, Le recours à l’arbitrage en matière de succession internationale : JCP N 23 déc. 2016, n° 51-52, p. 42.
731) En ce sens, A. Dutta, Art. 8 EuErbVO, in Münchener Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch.
732) En Belgique : P. Wautelet, op. cit. ; en France : A. Depondt, De l’intérêt de recourir à l’arbitrage et à la conciliation : JCP N 2015, n° 17-18, 1141 ; en Suisse : J. Perrin, De l’arbitrabilité des litiges successoraux : Bull. ASA 2006, 417, 419-420.
733) En ce sens, position de la cour d’appel de Munich, P. Wautelet, op. cit., p. 45.
734) Approfondissement sur cette analyse et les possibilités de contournement, P. Wautelet, op. cit., p. 47.
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