CGV – CGU

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 6 – Le prix
Chapitre II – Les transferts de fonds

2292 Le contrôle des changes n’existe plus en France depuis le 1er janvier 1990. Il est possible de transférer librement des capitaux à l’étranger. Ces transferts ne sont soumis à aucune déclaration ni à aucune autorisation quand ils sont réalisés par l’intermédiaire d’un établissement financier, par exemple sous forme d’un virement interbancaire677.

Aux termes de l’article 98-1 de la loi de finances pour 1990, toute personne physique a à sa charge une obligation de déclaration, auprès du service des douanes de la frontière, de tout transfert vers l’étranger ou en provenance de l’étranger de sommes, titres ou valeurs sans l’intermédiaire d’un organisme soumis à la loi bancaire. La déclaration concerne tout transfert d’un montant supérieur à 10 000 €, nouveau plafond fixé par les dispositions du décret du 28 mars 2007678.

Si ce transfert a lieu à l’intérieur de l’Union européenne, la déclaration est préalable au transfert. Elle doit ainsi être déposée quinze jours avant la date de celui-ci679.

Sur le plan douanier, le non-respect de cette obligation est puni d’une amende égale à 25 % de la somme transférée en contravention.

Sur le plan fiscal, la somme transférée en contravention constitue un revenu imposable en France680.

Les tribunaux ont été appelés à trancher le cas d’un transfert par une personne non domiciliée en France de fonds venant de l’étranger à destination de la France. Le Conseil d’État a considéré la présomption non applicable. Cette position vaut même si cette personne transfère son domicile fiscal en France. Elle n’est en effet soumise à une obligation fiscale illimitée qu’à compter de la date de son installation en France681.

Attention, même dans ce cas, si ces sommes peuvent être rattachées à des revenus de source française perçus antérieurement au transfert du domicile, elles sont alors imposables.

2293 En droit international, il faut avoir conscience que la difficulté réside parfois dans l’impossibilité de transférer l’argent d’un pays à l’autre, et qu’à défaut de traiter cette difficulté dès l’ouverture du dossier le notaire pourrait mettre ses clients dans des situations parfois délicates.

Exemple

Un client explique à son notaire qu’il est de nationalité française et qu’il a quitté le Maroc en compagnie de sa mère pendant son enfance. Il a désormais l’âge de la retraite et son père (de nationalité marocaine et qui résidait à Casablanca) est décédé depuis deux ans. À cette occasion, il a hérité au Maroc d’un capital important de plusieurs millions d’euros. Au moment du décès de son père, un juriste marocain lui aurait expliqué qu’étant de nationalité française il était présumé catholique, et qu’en cette qualité il ne pouvait hériter d’un musulman. Qu’à cela ne tienne : étant né au Maroc, il demande et obtient la nationalité marocaine. La succession est réglée au Maroc et il vient vous consulter afin d’obtenir de l’aide principalement pour rapatrier les fonds en France et subsidiairement pour savoir si son dossier est en «règle», ainsi qu’il le suppute. Que lui répondez-vous ?

Pour qu’une personne de nationalité marocaine puisse transférer des fonds en dehors du Maroc, il faut obtenir une autorisation de la part de l’Office royal des changes dont les bureaux sont situés à Rabat. Le Maroc souhaite que les nationaux investissent leurs fonds pour le développement du pays et cet office n’autorise que dans des conditions particulières la sortie de devises. Par conséquent, il est en pratique assez difficile d’obtenir une autorisation, du moins totale.

Quelles sont les conséquences pour le client, si l’Office royal des changes refuse le rapatriement des fonds ?

En France, en vertu de l’article 750 ter du Code général des impôts, l’héritier doit acquitter les droits de mutation à titre gratuit sur les biens situés au Maroc qu’il a recueillis dans la succession de son père. Toutefois, en cas de refus de rapatriement des fonds, il sera en droit d’invoquer le régime spécial qui s’applique en France aux biens étrangers frappés d’indisponibilité par suite de mesures prises par un gouvernement étranger682. Les droits de mutation ne seront à payer que lorsque les fonds deviendront disponibles.

En revanche, l’impôt sur la fortune immobilière pour les immeubles situés au Maroc, ainsi que les revenus fonciers qui seront encaissés au Maroc, seront imposables en France (sous réserve du traitement de la double imposition par le biais de la convention fiscale). Malheureusement le contribuable ne pourra peut-être pas compter sur le rapatriement des fonds pour régler en France ses impôts.


677) Rapatrier des fonds de l’étranger, Guide juridique des Français de l’étranger, Notaires de France ; vosdroits.service-public.fr/particuliers/F794.xhtml.
678) D. n° 2007-471.
679) La déclaration est à adresser au service des autorisations financières, 42 rue de Clichy, 75009 Paris.
680) CGI, art. 1649 quater A.
681) CE, 1er juill. 2010, req. n° 309363, Sigal et Battisti.
682) CGI, art. 766 et ann. III, art. 280.
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