CGV – CGU

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 5 – Ont comparu : les parties à l’acte
Sous-titre 2 – Les autres entités ou institutions originales
Chapitre II – Les trusts : comparution dans un acte notarié

2289 Le trust n’est ni une personne morale669 ni un contrat ; il est créé par la déclaration du constituant, c’est donc un acte unilatéral, matérialisé par le trust deed670, dans lequel sont indiqués les droits et obligations du trustee. Cette institution originale du droit anglo-saxon, inconnue en France, remplit les fonctions les plus variées (V. infra, nos a2560 et s.).

Le trust peut-il comparaître dans les actes notariés français et, en cas de réponse positive, comment procéder ?

Avant de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler les différents acteurs intervenant au trust.

Parmi ces acteurs, lequel serait habilité à comparaître aux actes ?

Le constituant (settlor) est le créateur du trust (V. infra, n° a2575). C’est celui qui remet son ou ses biens à un trustee. Au terme de cette opération, il n’en est plus juridiquement propriétaire, il n’est donc pas compétent pour comparaître.

Le protecteur (V. infra , n° a2578) est le contrôleur de la gestion réalisée par le trustee, il n’est donc pas le propriétaire et ne dispose pas de pouvoir pour comparaître au nom du trust.

Le ou les bénéficiaires (V. infra , n° a2577) sont les personnes ayant vocation à recevoir les revenus ou la propriété des biens transférés par le settlor. Aux termes de la vie du trust, les biens auront été transférés du settlor au bénéficiaire final, sans être passés par d’autres mains. Le bénéficiaire n’est donc pas propriétaire du ou des biens pendant la vie du trust et n’a pas de pouvoir pour comparaître.

Le trustee (V. infra , n° a2576) est la personne à qui le bien est remis. Le Code général des impôts le définit sous le terme «administrateur». C’est le propriétaire légal du bien. À ce titre, des actes de vente sont publiés dans certains services chargés de la publicité foncière au nom et pour le compte du trustee. Ce raisonnement a pour fondement l’idée selon laquelle le trustee est la personne qui détient le titre de propriété du trust.

Le trustee bénéficie d’un droit de propriété légal (il a la legal ownership), mais ce dernier est limité par la propriété de «jouissance».

En effet, cette dernière appartient au bénéficiaire (qui possède la beneficial ownership). Il n’est donc pas titulaire de tous les attributs de la propriété.

Comme cela sera développé par la quatrième commission, il serait donc hasardeux d’inscrire un bien au fichier immobilier au nom de celui-ci. En effet, que se passerait-il si une inscription judiciaire ayant pour cause une dette personnelle du trustee venait à grever un bien ne lui appartenant pas ? Cela équivaudrait à offrir aux créanciers un patrimoine en garantie qui ne lui appartient pas. D’ailleurs le mécanisme du trust a prévu au profit du bénéficiaire un droit de suite à l’encontre du trustee.

Il faut préciser que les biens du trust sont distincts du patrimoine personnel du trustee : ils sont donc soustraits à l’action de ses propres créanciers et ne font d’ailleurs pas partie de sa succession. Dans les pays reconnaissant le trust, le tribunal a le pouvoir de superviser et de régir la conduite des trustees, de les révoquer et de les remplacer, et de veiller à ce que les bénéfices économiques du trust soient finalement distribués aux bénéficiaires.

Si le trust est constitué du vivant du settlor, il s’agira d’un trust inter vivos (c’est le plus courant). Subsidiairement, on rencontre le trust testamentaire qui est constitué à la suite du décès du testateur pour régler sa succession en détails.

Le trust est, pour le moment, ignoré du droit français671. On ne peut donc valablement en constituer en France. Lorsqu’il est valablement constitué à l’étranger, la jurisprudence reconnaît sa validité en France672. Cette dernière essaye de définir le trust en respectant son caractère spécifique et original, sans assimilation à une institution juridique du droit français673.

Ainsi, le trust doit être mentionné dans les actes notariés en sa qualité d’institution originale, c’est-à-dire en qualité de trust. Nul besoin d’essayer de lui donner un matricule à l’instar des sociétés, de l’identifier à travers l’un des personnages qui lui est attaché ou de vouloir le rattacher par analogie à une institution reconnue en France.

En pratique, le trustee sera très souvent le représentant du trust et signera les actes ès qualités, conformément au trust deed ou par application d’une lettre de vœux (letter of wishes).

Pour faire comparaître le trust (lui-même) à un acte français, il faudra attendre que la France ait ratifié la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance. En attendant, il y a lieu de s’abstenir, ou de faire publier l’acte au nom du trustee, ès qualités si toutefois le service de la publicité foncière compétent y consent (pour approfondissement, V. infra, n° a4281.

Il faut rappeler que si le trust a été créé après le 11 mai 2011 par un constituant domicilié en France (lors de la constitution), il sera appliqué, au moment du décès du constituant, des droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 %, indépendamment du lien de parenté unissant le constituant au bénéficiaire et de l’objet de la transmission (part déterminée ou part globale (V. infra , n° a2619).

De ce fait, si la France vient à ratifier la Convention de La Haye du 1er juillet 1985, il faudra rester attentif pour éviter aux contribuables français un traitement fiscal qui serait alors plus défavorable que pour les étrangers, à moins qu’une réforme fiscale accompagne la ratification.


669) Toutefois, certaines législations donnent la personnalité morale au trust, tel est le cas en Nouvelle-Zélande ou en Écosse.
670) C’est l’acte constitutif d’un trust entre vifs. Avant une réforme intervenue en août 1991, le document devait comporter le sceau de son auteur. À présent, il suffit qu’il exprime sans ambiguïté sa volonté claire de créer un trust. La signature doit cependant être certifiée par un témoin.
671) La Convention de La Haye du 1er juillet 1985, relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance a été signée par la France le 26 novembre 1991, mais elle n’est toujours pas ratifiée à ce jour. Le but de cette convention n’est pas d’introduire le trust en France, mais de fournir aux praticiens les éléments permettant de reconnaître et d’appréhender cette institution juridique.
672) CA Paris, 10 janv. 1970, Courtois c/ Cts de Gany.
673) En ce sens, TGI Bayonne, 28 avr. 1975 : JCP G 1975, II, 18168, note R. Bonnais.
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