CGV – CGU

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 5 – Ont comparu : les parties à l’acte
Sous-titre 1 – Les personnes physiques
Chapitre III – Les personnes physiques : plurinationalité

2256 Il est assez courant en pratique que l’une des parties au contrat jouisse d’une double, voire d’une triple nationalité. Situation somme toute fréquente et peu troublante.

Faut-il indiquer dans les actes notariés l’existence des différentes nationalités ou se contenter d’inscrire la nationalité française si la personne possède celle-ci ? Les logiciels informatiques en usage dans la profession ne proposent pas cette possibilité, mais cela ne doit naturellement pas constituer un frein à la réflexion sur le sujet. Quel serait l’intérêt d’une telle mention ?

Section I – Civilement

2257 La loi traitant de la capacité d’un individu est la loi nationale de l’intéressé, selon la règle de conflit en la matière : on applique la loi de l’État dont l’individu porte la nationalité. En présence d’une partie possédant plusieurs nationalités autres que la nationalité française628, on est en droit de choisir entre les lois de ces États. Le rédacteur du contrat doit donc indiquer clairement le choix effectué parmi celles-ci.

Cas pratique

Il faut imaginer qu’un ressortissant ayant la double nationalité écossaise et sud-africaine veut acheter une maison à l’âge de dix-sept ans. La majorité en Écosse est à partir de seize ans, et en Afrique du Sud à dix-huit ans.

Dans ce cas particulier, il est impossible d’appliquer cumulativement les deux lois nationales qui ont pourtant toutes deux vocations à régir la capacité. On comprend alors l’utilité d’indiquer la préférence de rattachement à l’Écosse, pays attribuant la majorité à seize ans afin d’éviter dedemander une autorisation spéciale. À défaut de le préciser, la jurisprudence fait prévaloir la nationalité du for sur les nationalités étrangères, ou en l’absence de nationalité du for, celle qui serait la plus effective629.

Il est d’autant plus important de rattacher la capacité à l’une des lois nationales qu’en présence d’actes cumulatifs, il pourrait y avoir un conflit mobile. Il faut rappeler qu’un conflit mobile est le cas complexe d’une succession de rattachements. Dans ce cas particulier, le rattachement proposé par la règle de conflit (qui elle ne change pas) se modifie dans le temps, emportant la modification de la loi désignée par celle-ci. C’est le cas d’un individu ayant signé un contrat, dont la capacité doit être appréciée en application de sa loi nationale ; quelle loi convient-il d’appliquer si un changement de nationalité est intervenu depuis la conclusion du premier contrat ? Pour parer à cette difficulté, il est conseillé de figer la situation dans l’acte en indiquant clairement la volonté des parties contractantes.

D’autre part, concernant la détermination du régime matrimonial, pour les mariages entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019, en application de la Convention de La Haye du 14 mars 1978, il faut, en l’absence de choix exprès de la loi applicable, déterminer les chronologies des résidences habituelles successives des époux et des acquisitions successives des nationalités de chacun d’eux. L’indication des nationalités des époux intervenant à l’acte630permettra de vérifier l’existence d’une nationalité commune. En effet, dans un tel cas, on aura la prudence de vérifier avec encore plus d’attention que le régime matrimonial indiqué par le client et mentionné par le notaire au contrat est exact.

Conseils pratiques

On vérifiera :

d’une part, qu’en l’ absence de première résidence habituelle commune et en présence de nationalités identiques, la loi applicable au régime est celle de l’État de la nationalité partagée des époux631 ;

d’autre part, en cas de première résidence habituelle commune et de nationalité commune, si le régime est celui de l’État de la nationalité commune et non celui de la première résidence commune (cas des époux néerlandais, sans autre nationalité commune).

De plus, en cas de déménagement avec convergence de la résidence et de la loi nationale commune, il y aura mutabilité automatique de la loi applicable, impliquant un changement de régime légal632.

Section II – Fiscalement

2258 Indiquer la nationalité des parties ne semble plus avoir d’intérêt en France, car le principe d’imposition sur le territoire est lié aux notions de domicile fiscal ou de source de revenus.

Depuis la réforme réalisée par la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976633, on ne fait plus référence aux autres notions telles que celles de résidence « habituelle » et de nationalité qui ont été abandonnées.

Dans un cadre international, la fiscalité applicable dans les pays étrangers doit nous intéresser et interpeller le notaire. Elle aura un impact sur les opérations (même si l’acte semble ne pas avoir de résonance internationale). Il faut par conséquent attirer l’attention des parties sur la fiscalité étrangère et indiquer les nationalités des cocontractants si ces dernières ont une incidence sur la taxation de l’opération (à l’étranger). Tel serait le cas pour les pays ayant un principe d’imposition lié à la nationalité de ses ressortissants (cf. notion de territorialité, infra, nos a2428 et s.).

Exemple

À ce titre, il est possible de citer la Suède et les États-Unis.

En effet, aux États-Unis la citoyenneté est un critère d’assujettissement en matière d’impôts sur les successions, sur les donations, ou encore sur les revenus.

Ce pays a créé un droit de suite à l’encontre des personnes qui ont abandonné leur citoyenneté pour des motifs fiscaux, ou qui ont quitté le territoire des États-Unis (pendant une période de dix années à compter de leur renonciation à leur citoyenneté ou de leur départ des États-Unis).

Ce droit de suite est contenu dans l’avenant du 8 décembre 2004 à la convention franco-américaine en matière de successions et donations.

Mettre en place ce processus auprès de nos collaborateurs (consistant à indiquer les nationalités des parties dans nos actes) permettra de délivrer, au moment de la signature des actes, un conseil plus pertinent.

Il ne s’agira pas de traiter de la fiscalité à l’international, mais d’indiquer son éventuelle interférence et d’inviter le client à consulter un fiscaliste étranger.

D’autre part cette précision va permettre, en présence de parties possédant la nationalité d’un des pays figurant sur la liste des États non coopératifs, d’effectuer un contrôle particulièrement approfondi sur l’origine des fonds et d’informer le client sur les dispositions et majorations d’imposition applicables634.


628) La nationalité du for prévaut en principe systématiquement.
629) Lorsque les deux nationalités en cause sont étrangères, il convient de faire prévaloir la plus effective. En l’occurrence, et à défaut de désignation de choix de nationalité dans l’acte, la loi sud-africaine serait peut-être la plus effective, et nous oblige à vérifier les pouvoirs du représentant légal.
630) Dans l’idéal, il faudra indiquer la date d’obtention de la nationalité, car la détermination du régime matrimonial applicable se détermine en combinant les critères de résidence et de nationalité au moment des déménagements (la mutabilité peut alors être immédiate ou se produire à l’issue d’un délai de dix ans).
631) Cf. Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 4, al. 2-3°.
632) Cf. Conv. La Haye 14 mars 1978, art. 7, al. 2-1°.
633) Commentée par l’administration au BOI-IR-CHAMP-10.
634) BOI-INT-DG-20-50-20140211.
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