CGV – CGU

Partie préliminaire
Titre 1 – L’acte authentique et l’institution de l’authenticité
Chapitre II – L’acte authentique en droit positif : définition et attributs

2005 L’examen des attributs traditionnels de l’acte authentique ne peut se concevoir sans au préalable rappeler la définition de l’acte authentique.

L’article 1369 du Code civil prévoit : « L’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret fixé en Conseil d’ État. Lorsqu’il est reçu par un notaire, il est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

Cet article ne donne pas une définition complète de l’acte authentique, mais seulement une définition organique22.

En effet, ces précisions ne donnent que les contours de l’authentification, pas la définition de l’acte authentique en soi. Une définition fonctionnelle de l’acte authentique reste à poser.

C’est pourquoi certains auteurs proposent de définir l’acte authentique comme étant « un acte instrumentaire, dressé, vérifié, et conservé par l’autorité publique »23, notion dont l’étude fait l’objet des développements qui suivent dans une première section, avant de revenir dans une seconde section sur les attributs traditionnels qui lui sont pleinement reconnus.

Section I – Définition de l’acte authentique

2006 L’acte authentique est avant tout un écrit. L’écrit consiste, selon l’article 1365 du Code civil, en une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quel que soit leur support, qu’il soit papier ou électronique.

En effet, depuis la loi du 13 mars 2000 ayant consacré dans notre droit positif le principe de l’existence de la preuve électronique24, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité25.

Par ailleurs, la signature est nécessaire à la perfection d’un acte juridique pour identifier son auteur, et quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte26.

L’authenticité inhérente à l’acte notarié résultera en outre du respect par le notaire, lors de la rédaction et de la réception de son acte, d’un certain nombre d’exigences de forme et de fond. Celles-ci sont définies notamment par les dispositions du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971.

2007 Cette notion d’authenticité, qui est au cœur des systèmes de droit civil, n’est pas aisée à définir ni à expliquer, bien que séculaire.

C’est pour cette raison que certains auteurs font appel à l’étymologie pour la cerner, lorsque d’autres s’interrogent sur le lien étroit unissant le notaire et l’acte qu’il dresse, la force de cet acte reposant sur la compréhension directe que le notaire a de la volonté des parties.

Bien que pertinentes, ces méthodes ne permettent malheureusement pas de donner avec clarté et précision une définition générale, pleinement fonctionnelle, de l’acte authentique.

C’est pour cela qu’il convient, pour la suite des développements, de reprendre la définition de l’acte authentique élaborée par la commission présidée par le professeur Laurent Aynès, savoir : est authentique un acte instrumentaire, dressé, vérifié et conservé par l’autorité publique27. Cette définition, qui décrit les modalités de fonctionnement et d’élaboration de l’acte, est en effet complémentaire à la définition organique de l’article 1369 du Code civil.

C’est dans cet ordre qu’il sera tenté d’analyser, élément par élément, chacune des caractéristiques de cette définition.

§ I – Acte instrumentaire

2008 Un acte authentique est un acte instrumentaire. Afin de bien comprendre cette expression, il paraît utile de revenir sur les différentes significations que recouvre le terme « acte », en matière notariale.

Ce terme peut en effet être utilisé pour exprimer la manifestation de la volonté d’une personne (dans le cas du testament par exemple) ou de plusieurs (le contrat par exemple), dont les effets en droit sont attendus : il est alors question du negotium.

Mais le même terme « acte » peut également signifier un écrit qui constate la manifestation de cette volonté exprimée : il correspond alors à l’instrumentum, dont les critères de solennité, lorsqu’ils sont remplis, confèrent l’authenticité à l’acte.

C’est précisément pour cette raison que l’authenticité ne touche que la forme de l’acte (l’instrumentum) sans affecter directement sa substance (le negotium)28.

L’acte authentique est donc instrumentaire en ce sens que l’authenticité sera conférée à l’écrit qui en est le véhicule.

Pour autant, le caractère instrumentaire de l’acte n’est pas suffisant en soi : il doit encore être dressé en tant qu’instrument revêtu de l’authenticité.

§ II – Acte dressé

2009 Ainsi qu’il a été dit précédemment (V. supra, n° a2006), l’acte authentique est avant tout un écrit, qu’il soit sur support papier ou électronique.

Mais cet acte doit être dressé avec les solennités requises par un officier public compétent. Autrement dit, le rapport entre l’homme et l’acte qu’il dresse est au centre de l’authenticité29.

Ainsi la signature est nécessaire à la perfection d’un acte juridique pour identifier son auteur, et quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte30.

La personne de l’officier public qui dresse, vérifie, reçoit et conserve l’acte authentique fait l’objet de développements ci-après, auxquels il peut être ici renvoyé (V. infra, nos a2012 et a2016).

Après avoir été dressé, pour être authentique, l’acte doit en outre être vérifié et conservé par l’autorité publique.

§ III – Acte vérifié

2010 En vue de l’élaboration de son acte, l’officier public procède nécessairement aux investigations nécessaires qui assureront une parfaite efficacité à l’acte qu’il dresse.

Ce devoir de vérification s’étend non seulement au contrôle d’identité des clients se présentant à lui et résultant des dispositions de l’article 5 du décret du 26 novembre 197131, mais également à d’autres considérations comme l’origine de propriété du vendeur32, ou encore les charges (servitudes33, conditions d’urbanisme34par exemple) pouvant grever le bien objet de l’acte35.

En d’autres termes, le devoir de vérification tant matérielle des faits que de la légalité de l’acte est consubstantiel à l’authentification. Ce devoir de contrôle et de vérification, avec le devoir de conseil, participent ensemble à l’application du principe d’efficacité de l’acte authentique que tout client doit attendre du notaire.

Cette efficacité que l’État attend de voir dans les actes du notaire qu’il a nommé va au-delà de ce que peut demander le client dans les conséquences prévisibles qu’il peut légitimement attendre de l’acte dressé et vérifié, car le notaire, en instrumentant l’acte qu’il reçoit, engage sa responsabilité civile professionnelle du fait de son statut36.

Fonder la responsabilité de l’officier public sous un angle délictuel – ou plutôt extracontractuel – de l’article 1240 du Code civil, selon la nouvelle nomenclature depuis la réforme des contrats en vigueur au 1er octobre 201637participe à une grande effectivité du principe de sécurité juridique : par ce moyen, en aucun cas la responsabilité du notaire fautif d’un manquement professionnel avec un lien de causalité avérée ne peut être exonérée contractuellement. Le notaire ne peut pas s’affranchir des obligations que l’État et la profession choisissent de lui imposer.

« Ainsi, et seulement ainsi, toutes ces normes légales et statutaires prennent du poids, de la valeur, de la densité et rejaillissent sur l’acte authentique, réelle source de sécurité juridique, tant pour l’État que pour le citoyen client »38.

L’acte instrumentaire, dressé et vérifié, doit en outre être conservé par l’officier qui le dresse.

§ IV – Acte conservé

2011 Si l’obligation pour les notaires de conserver les minutes qu’ils dressent est inscrite dans l’ordonnance du 2 novembre 1945 (V. infra, n° a2012) définissant le statut des notaires, c’est parce que la conservation participe à la préservation des preuves, et au renforcement de la sécurité juridique.

La conservation est même considérée comme « un atout majeur de l’acte authentique par rapport aux actes sous seing privé qui sont à la merci d’une disparition ou d’une destruction matérielle »39. Elle relève d’une mission impérative du notaire, qui reste tenu de les conserver et de ne s’en dessaisir qu’exceptionnellement et dans les cas exclusivement prévus par la loi et en vertu d’un jugement40.

Cette obligation est à ce point essentielle qu’une circulaire du ministère de la Justice du 10 février 1888 précise que les notaires « sont les dépositaires légaux des titres des citoyens. Ils doivent veiller sur ce dépôt avec le plus grand soin, conserver leurs minutes chez eux, dans la maison même où ils ont leur étude, et ne négliger aucune précaution pour les mettre à l’abri des risques d’incendie, d’inondation, d’humidité et de destruction de toute sorte »41. Elle est en outre si ancienne que l’absolue nécessité de procéder à la conservation et à la préservation des minutes a été à l’origine de la création des panonceaux des notaires de France.

L’identification des offices notariaux remonte en effet au Moyen Âge, et résulte d’une pratique à l’origine des notaires du Châtelet qui avaient décidé, pour le cas où un incendie dans le quartier venait à se propager, de signaler les maisons où se trouvait un office notarial, afin qu’en toute priorité les moyens pour éteindre l’incendie y soient déployés42.

Il existe toutefois quelques exceptions à cette obligation de conservation, comme par exemple les actes délivrés en brevet (peu nombreux).

Cet acte instrumentaire, dressé, vérifié et conservé, doit l’être par une autorité publique.

§ V – Par l’autorité publique

2012 Selon l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 : « Les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions »43.

Par ailleurs, en vertu de l’article 1369 du Code civil : « L’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter ».

Ces deux textes ne visent que l’officier public et non l’officier ministériel. La différence entre ces deux notions, selon la doctrine, réside dans le fait que l’officier ministériel est « titulaire d’un office, c’est-à-dire une charge patrimoniale concédée par l’État afin d’exercer ses fonctions »44, lorsque le notaire, officier public, a reçu en outre le pouvoir de conférer l’authenticité45. Plus finement, l’officier public a « spécifiquement pour fonction de dresser des actes publics ayant force authentique. Certains officiers ministériels sont en même temps officiers publics : par exemple les notaires et les huissiers de justice (pour cette raison, on les appelle souvent officiers ministériels et publics). Mais, en sens inverse, certains officiers publics (comme par exemple le maire qui dresse les actes de l’état civil ou encore le greffier des tribunaux de grande instance) ne sont pas des officiers ministériels »46.

2013 Par ailleurs, ainsi qu’il sera dit plus loin (V. infra, n° a2016), les conditions strictes d’accès à la profession, la probité du notaire ainsi que la déontologie rigoureuse à laquelle il est tenu renforcent les allégations qu’il est amené à indiquer dans son acte qui ne peut être contesté que par l’introduction d’une action judiciaire en faux en écriture publique.

Il suffit pour s’en convaincre de reprendre les sanctions encourues par le notaire indélicat, qui relèvent des dispositions du Code pénal organisant les peines en matière de crime indiquées ci-après (V. infra, n° a2020).

Même s’il a su évoluer en devenant numérique, ou plutôt électronique (V. supra, n° a2006), l’acte notarié – l’instrumentum – restera au cœur de l’authenticité tant qu’il proviendra de l’autorité publique conférée au notaire par l’État qui l’a nommé, et ajoutera à l’acte de volonté privée – le negotium – cette force de l’acte public qui se soutient par lui-même, et résiste au temps et à la contestation47.

2014 Ces précisions données, les attributs traditionnels de l’acte notarié peuvent maintenant être rappelés. Ces attributs que sont la date certaine, la force probante et la force exécutoire ont fait l’objet d’une déconstruction magistrale par un auteur particulièrement autorisé, dans le seul but de mettre en évidence cette idée-force que le notariat, par l’authenticité qu’il confère aux actes, constitue une juridiction non contentieuse, volontaire, dans laquelle se fondent l’autorité du jugement et celle de l’acte authentique notarié48, notions essentielles sur lesquelles il faudra revenir sous l’angle européen (V. infra, n° a2026). Mais il convient d’abord d’étudier les attributs traditionnels.

Section II – Attributs de l’acte authentique
§ I – Date certaine

2015 Afin de remplir ses fonctions de sécurité juridique, avant toute chose, l’acte notarié va conférer de façon définitive la date à laquelle il aura été passé. La date étant essentielle pour assurer sans contestation possible la passation de l’acte, l’article 6 du décret précité prévoit que l’acte doit mentionner notamment la date à laquelle est apposée chaque signature et l’article 8, alinéa 2 impose que soit énoncée la date à laquelle l’acte est signé par le notaire.

La date ayant le caractère de date certaine, elle ne pourra plus être contredite, sauf à intenter une procédure en inscription de faux contre le notaire instrumentaire49.

Pour autant, si le défaut de mention de la date de passation de l’acte entraîne sa nullité en tant qu’acte authentique, il conserve cependant sa validité en tant qu’acte sous seing privé50, sauf naturellement à voir la responsabilité de l’officier public engagée en cas de préjudice constaté51.

2016 Si la date de l’acte authentique est à ce point certaine, cela est dû exclusivement à la qualité de l’officier public qui instrumente. Les conditions strictes d’accès à la profession, la notoriété du notaire instrumentaire, sa probité, mais encore les obligations professionnelles qu’il a juré solennellement de respecter, sa formation rigoureuse, assurent une fiabilité au témoignage ainsi apporté par lui tellement forte, que le seul moyen de venir contester la date de passation sera d’engager une procédure de faux en écriture publique.

À cet égard, certains auteurs ont pu écrire : « Ce faisceau étroit de devoirs imposés aux officiers publics, ainsi que la gravité des sanctions applicables s’ils les transgressent, mettent la sincérité de leurs déclarations à l’abri de tout soupçon, contrairement aux actes élaborés par de simples particuliers dont la force probante est logiquement moindre. La raison en est, résumait Esmain, qu’on peut faire une confiance plus grande à un officier public, tantôt choisi et contrôlé par les pouvoirs publics, tantôt au moins contrôlé par eux dans l’exercice de ses fonctions »52.

Le statut de « témoin privilégié »53du notaire (ce qu’il écrit avoir vu ou fait, dans le cadre de son activité, est réputé vrai), ainsi que ses fonctions plus étendues, d’acteur54, permettent à l’acte qu’il instrumente, élabore, rédige et reçoit de bénéficier de la force probante qui lui est attachée.

§ II – Force probante

2017 La force probante, inhérente à l’acte authentique du notaire, est constituée de trois éléments : la pleine foi que l’acte renferme, les effets qu’il produit à l’égard des parties et ceux qu’il produit à l’égard des tiers.

A/ Objet de la pleine foi

2018 La pleine foi de l’acte authentique remonte à l’origine de l’organisation du notariat ; elle est prévue à l’article 19 de la loi du 25 ventôse an IX : « Tous les actes notariés feront foi en Justice ».

Elle est aujourd’hui expressément visée dans les dispositions de l’article 1371 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 qui prévoit dans son premier alinéa que : « L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté ».

Ce rôle de témoin privilégié et d’acteur dont il est parlé supra donne pleine foi aux faits énoncés dans l’acte comme accomplis par le notaire, ou s’étant passés en sa présence dans l’exercice de ses fonctions. C’est ainsi que l’indication d’un paiement à la vue du notaire emporte pleine foi55jusqu’à inscription en faux, ou qu’il est impossible d’ordonner judiciairement, même avant une procédure d’inscription en faux, une expertise in futurum d’une signature sur une procuration notariée dans le but de mettre en cause la force probante d’un acte authentique56.

Par la pleine foi qu’il renferme en son sein, l’acte authentique a force probante, non seulement à l’égard des parties, mais également à l’égard des tiers, ainsi qu’il sera possible de le constater à la lumière des développements qui suivent.

B/ Effets de la pleine foi à l’égard des parties et des tiers
I/ À l’égard des parties

2019 La force probante à l’égard des parties résulte de façon générale de l’effet relatif des contrats, édicté dans son principe à l’article 1199 du Code civil (issu de l’ordonnance du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre suivant) : « Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties ».

Par principe, « tous les contrats formés ont force obligatoire, ils sont irrévocables, et procurent en tant que tels une sécurité suffisante à leurs parties »57.

Dans la mesure où il n’est pas question ici de développer cette notion largement analysée, et fouillée dans nombre de manuels de droit civil, il convient d’évoquer la force probante à l’égard des tiers.

II/ À l’égard des tiers

2020 La force probante à l’égard des tiers repose sur la sécurité apportée par le statut du notaire, officier public, déjà évoqué supra, n° a2013.

Pour reprendre un auteur58 : « Le témoignage de l’officier public dans l’exercice de ses fonctions jouit d’une forte présomption de sincérité. Cette présomption repose sur les garanties que présentent le caractère et la position de l’Officier, les conditions de son recrutement et sur la pénalité redoutable, les travaux forcés à perpétuité, dont le menacent, au cas de prévarication, les articles 145 et 146 du Code pénal ».

Si aujourd’hui les articles 145 et 146 du Code pénal ont été abrogés par une loi de 1992, ils ont été remplacés par l’article 441-4 du Code pénal59qui prévoit quinze ans de réclusion criminelle et 225 000 € d’amende pour le notaire malveillant.

2021 La date certaine et la force probante évoquées, il convient de terminer ce bref rappel des attributs de l’acte notarié en évoquant sa force exécutoire.

§ III – Force exécutoire

2022 La force exécutoire est la conséquence de la force probante : « C’est parce que l’obligation qu’il constate est tenue pour certaine, que l’on peut passer immédiatement à exécution »60.

Elle est « inséparable de la force probante ; elle est l’un des points communs fondamentaux entre l’acte notarié et le jugement, et marque l’origine historique judiciaire du notaire comme juge de l’amiable »61.

D’ailleurs cette force exécutoire à l’égard des tiers permet une rapidité d’exécution inégalée dans le droit de l’exécution, puisque le créancier qui dispose d’une copie authentique revêtue de la formule exécutoire (la formule notariée étant identique à celle utilisée par les tribunaux) « n’a pas besoin d’obtenir un jugement de condamnation pour requérir les services d’un huissier de justice. Il pourra donc directement faire procéder à une saisie immobilière, à une saisie-attribution, ou à une saisie-vente »62.

Par ailleurs, la force exécutoire de l’acte se manifeste par l’apposition en fin d’acte de la formule exécutoire. Cette formule est la même pour l’ensemble des actes, qu’un auteur a su expliquer dans ces termes : « La formule exécutoire est conçue comme un ordre, une injonction adressée par la République – agissant par l’intermédiaire du juge ou du notaire – et à destination des huissiers, des procureurs et greffiers et des officiers de police et de gendarmerie. La formule exécutoire, et donc la force exécutoire, est ainsi indissociable de l’autorité et de la délégation de la puissance publique »63.

Par ailleurs, si l’acte notarié peut être mis à exécution, c’est précisément « parce que la force probante qui s’attache à ses énonciations permet d’établir la réalité – et la légalité – de l’engagement qui y est relaté. Il est inutile de prouver judiciairement que le débiteur est engagé et que la dette existe, puisque cette preuve est préconstituée par un titre dont la confection est faite au nom de la République française, entourée de garanties maximales, et dont l’original est conservé aux fins d’éventuelles vérifications »64.

2023 Toutefois, pour qu’il puisse avoir force exécutoire, il faut naturellement que l’acte notarié contienne et constate en son sein une obligation, et que cette obligation de surcroît soit certaine, liquide et exigible65, faute de quoi il ne pourra y avoir force exécutoire.

En d’autres termes, il existe des actes notariés qui ne seront jamais exécutoires, par exemple tous les actes ne constatant pas d’obligation, mais surtout et plus particulièrement, tous les actes dressés en brevet66.

2024 En effet, le lien établi entre force probante et force exécutoire n’a rien d’absolu, surtout en droit international privé.

En cette matière, il est peut-être plus qu’ailleurs nécessaire de distinguer ce qui dans l’acte relève du negotium ou de l’instrumentum, dans la mesure où « la diversité des ordres juridiques dresse différents obstacles à la circulation des actes et à leur efficacité internationale »67. Cette dissociation permettra plus facilement la circulation et l’acceptation des actes notariés à l’international (V. infra, nos a2380 et s.).

2025 La définition de l’acte notarié ainsi que les caractéristiques du statut du notaire selon notre droit interne devaient être rappelés pour les développements qui suivent. Ce rappel effectué permettra de mieux cerner les enjeux européens tant pour le Notariat que pour l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union.

L’Union cherche en effet à élaborer, par le droit européen, une construction – laborieuse mais progressive – d’un statut européen qui sera reconnu au notaire, après avoir déjà œuvré pour reconnaître et définir son acte authentique.


22) P. Murat, L’acte notarié : rédaction et réception. Rapport de synthèse : JCP N 27 janv. 2012, n° 4, art. 1062, n° 3.
23) L. Aynès (ss dir.), L’authenticité, Doc. fr., 2013, p. 82, n° 55.
24) V. Castet-Renard : Defrénois 2006, 1529 (formalisme du contrat électronique).
25) C. civ., art. 1366, issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er oct. 2016.
26) C. civ., art. 1367, al. 2.
27) L. Aynès, L’authenticité, op. cit., p. 82, n° 55.
28) Ibid.
29) P. Murat, op. cit., n° 3
30) C. civ., art. 1367, al. 2.
31) D. n° 71-941, 26 nov. 1971, art. 5, al. 1er : « L’identité, l’état et le domicile des parties, s’ils ne sont pas connus du notaire, sont établis par la production de tous documents justificatifs ».
32) L’obligation d’investigation comprend notamment celle de vérifier que le vendeur est bien propriétaire du bien objet de la vente : Cass. 1re civ., 13 nov. 1991 : Bull. civ. 1991, I, n° 310 ; Defrénois 1992, art. 35212, n° 17, obs. J.-L. Aubert.
33) Cass. 1re civ., 23 nov. 1999 : Bull. civ. 1999, I, n° 320 ; Defrénois 2000, art. 37104, n° 14, J.-L. Aubert : « Une cour d’appel a pu, sans méconnaître l’article 1382 du Code civil, estimer que la faute du vendeur qui avait omis de signaler une servitude grevant le bien vendu était entièrement “absorbée” par celle du notaire, qui n’avait pas vérifié la situation de l’immeuble, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’opérer un partage de responsabilité ».
34) Cass. 1re civ., 12 juin 1990 : Bull. civ. 1990, I, n° 160 ; Defrénois 1991, art. 34987, n° 17, note J.-L. Aubert : « Il appartient au notaire, rédacteur de l’acte de vente d’un terrain, d’éclairer ses clients sur les conséquences du caractère inconstructible de celui-ci et sur l’inefficacité de l’acte de vente au regard du but poursuivi par les acquéreurs ».
35) Pour de nombreuses autres illustrations : V. J.-L. Aubert, La responsabilité civile des notaires, Defrénois, 5e éd. 2008, p. 95 et 96, n° 79 ; Travaux du 111e Congrès des notaires de France, La sécurité juridique, un défi authentique, Strasbourg, 2015, et spéc. 1re commission, p. 123, nos 1250 et s.
36) 111e Congrès des notaires de France, op. cit., n° 1248.
37) Anciennement art. 1382, dont la terminologie a été reprise à l’identique sous le nouvel article 1240.
38) 111e Congrès des notaires de France, op. cit., n° 1248.
39) L. Aynès, L’authenticité, op. cit., p. 98, n° 67.
40) D. n° 71-941, 26 nov. 1971, art. 27 : « Les notaires ne peuvent se dessaisir d’aucune minute, sauf dans les cas prévus par la loi et en vertu d’un jugement. Avant de s’en dessaisir, ils en dressent et signent une copie sur support papier sur laquelle il est fait mention de sa conformité à l’original par le président du tribunal de grande instance du lieu de leur établissement ou par une personne déléguée par lui à cet effet ».
41) Circulaire visée par D. Montoux : JCl. Notarial Formulaire, V° Acte notarié, Garde et conservation des minutes, fasc. 60, p. 3, n° 6 ; des recherches sur internet ont permis de retrouver de façon plus détaillée la trace de cette circulaire sur le site des avocats, faisant la promotion de l’acte contresigné par acte d’avocat, et incitant à s’inspirer du notariat pour assurer une valeur ajoutée à leur activité en procédant à la conservation de leurs actes sous seing privé contresignés par avocat.
42) Lettres patentes de Charles VI du mois d’avril 1411, K. Veysset, Panonceaux et enseignes du notariat, 1971, p. 52 et s., éd. Institut international d’histoire du notariat, 1979.
43) Rappelons-nous que ce texte n’a fait que reprendre, à un mot près, la définition du notaire contenue dans l’article 1er de la loi du 25 ventôse an XI relative à l’organisation du notariat, qui disposait que : « Les notaires sont les fonctionnaires publics établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d’authenticité attachée aux actes de l’autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions ».
44) L’authenticité, op. cit. p. 51, n° 29.
45) Ibid., n° 29.
46) R. Perrot, Institutions judiciaires, Montchrestien, coll. « Domat », 13e éd. 2008, n° 452, p. 353.
47) L. Aynès, L’authenticité : Dr. et patrimoine 1er janv. 2010, n° 188, p. 2.
48) Ibid.
49) J.-L. Aubert, La responsabilité civile des notaires, Defrénois, 5e éd. 2008, par R. Crône, p. 79, n° 69.
50) D. n° 71-941, 26 nov. 1971, art. 41.
51) J.-L. Aubert, op. cit., p. 79, n° 69.
52) L’authenticité, op. cit. p. 105-106, n° 78.
53) Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. 2, spéc. 90.
54) J.-F. Sagaut et M. Latina, Déontologie notariale, Defrénois, 2e éd. 2014, p. 35, note 93 ss n° 77.
55) Cass. 1re civ., 2 mai 1964 : JCP 1964, II, 13758, note R.L.
56) Cass. 1re civ., 11 juin 2003 : RTD civ. 2003, 501, obs. Mestre et Farges et 5039, obs. Normand.
57) D. Coiffard, Authenticité et force exécutoire, L’arbre et le fruit : JCP N 9 févr. 2018, n° 6, 1096, p. 21, n° 5.
58) Ch. Jouhet, De la nature, des variétés et du rôle de l’acte authentique en droit privé français, thèse Faculté de droit Université de Bordeaux, 1930.
59) C. pén., art. 441-4 : « Le faux commis dans une écriture publique ou authentique ou dans un enregistrement ordonné par l’autorité publique est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

L’usage de faux mentionné à l’alinéa qui précède est puni des mêmes peines.

Les peines sont portées à quinze ans de réclusion criminelle et à 225 000 euros d’amende lorsque le faux ou l’usage de faux est commis par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ».

60) M. Grimaldi et B. Reynis, L’acte authentique électronique, Defrénois, 2003, art. 37798.
61) D. Coiffard, Authenticité et force exécutoire, L’arbre et le fruit : JCP N 9 févr. 2018, n° 6, 1096, p. 21, n° 1.
62) J.-F. Sagaut et M. Latina, op. cit., p. 36, n° 80.
63) D. Coiffard, art. préc., n° 20.
64) D. Coiffard, art. préc., n° 28.
65) D. Montoux : JCl. Notarial Formulaire, V° Acte Notarié, fasc. 16, n° 114.
66) D. Montoux, op. cit., n° 112. – L. Aynès (ss dir.), L’authenticité, op. cit., p. 114, n° 87.
67) M. Goré, L’acte notarié, instrument de l’exécution forcée : LPA 11 août 1997, n° 96, p. 6.
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