CGV – CGU

Partie II – Les sources du droit international
Titre 3 – Le droit de l’Union européenne
Sous-titre 1 – Les institutions et les organes communautaires
Chapitre I – Historique du droit de l’Union européenne
Section I – De la création des institutions européennes dans un contexte mondial

1449 Victor Hugo, dans son discours prononcé au Congrès de la Paix en 1849, rêvant de paix universelle, proposait la création des « États-Unis d’Europe » pour mettre fin à toutes les guerres.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, des sociétés pour la préservation de la paix se constituent à New York, Londres et Genève. En 1892, à Berne, est créé le Bureau international de la Paix. Des conférences internationales de la paix se tiennent à La Haye de 1899 à 1907, qui aboutissent à la création de la Cour d’arbitrage internationale de La Haye.

Malgré cette volonté de paix, l’Europe ne parvient pas à cet objectif et la Première Guerre mondiale éclate.

Woodrow Wilson, président des États-Unis, avait exposé dans son discours du 8 janvier 1918 devant le Sénat, en quatorze points, les buts de la guerre des alliés. Le quatorzième point portait sur « la création d’une association globale de nations avec des engagements spécifiques garantissant une indépendance politique et une intégrité territoriale mutuelle identique à tous les pays grands ou petits pour éviter une guerre à l’avenir ». Ce discours faisait suite à celui donné devant le Sénat le 22 janvier 1917, dans lequel il appelait à une paix sans victoire, discours non suivi. Les États-Unis rejoignent finalement l’entente franco-britannique par déclaration du président Wilson du 6 avril 1917 compte tenu de la décision allemande de reprendre la guerre sous-marine.

Les vainqueurs de la guerre organisent alors une Conférence de Paix à Paris, dont le but est de négocier les traités de paix avec les vaincus. Cette conférence débute le 18 janvier 1919. Le 25 janvier 1919, les participants à cette conférence acceptent la création de la Société des Nations. La fin de la Première Guerre mondiale est formalisée par la signature d’un traité à Versailles le 28 juin 1919 entre l’Allemagne et les alliés, lequel traité donne également naissance à la Société des Nations (SDN).

1450 Aristide Briand, chef du gouvernement français, présente en 1929, à Genève, un projet d’organisation européenne à la Société des Nations. Mais la Seconde Guerre mondiale éclate.

Le président des États-Unis Franklin Delano Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill signent à bord du cuirassé Prince of Wales, le 14 août 1941, une série de principes moraux pour un monde meilleur, appelée « la Charte de l’Atlantique ». S’ensuit une rencontre à Washington réunissant les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’URSS et la Chine aux termes de laquelle est signée la Déclaration des Nations unies. Vingt-deux autres États signeront cette déclaration dont le but, dans la continuité de la Charte de l’Atlantique, est l’effort commun de guerre et un engagement de ne pas signer de paix séparée623.

Une conférence Arcadia se tient à Washington du 22 décembre 1941 au 14 janvier 1942, au cours de laquelle l’Allemagne est identifiée comme l’ennemi à combattre. Le 1er novembre 1943, se réunissent à Moscou, l’URSS, les États-Unis et la Grande-Bretagne pour mettre en place une organisation internationale pour assurer la paix et la sécurité internationales. Le 21 août 1944 s’ouvre la conférence dans l’hôtel particulier de Dumberton Oaks à Washington, avec l’URSS, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine, aux termes de laquelle les principes d’une Organisation des Nations unies sont adoptés jusqu’au 7 octobre 1944 : la création d’un conseil de sécurité chargé d’assurer la paix mondiale, d’une assemblée générale composée des représentants des États membres, d’un Conseil économique et social et d’une Cour internationale de justice.

Cinquante et un États participent à la Conférence de San Francisco qui débute le 25 avril 1945 et, après des semaines de discussions, le 26 juin 1945 la Charte des Nations unies est signée. Cette charte divise l’union en six organes : l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil de tutelle, la Cour internationale de justice et le Secrétariat général.

À la même période, des résistants à la guerre s’organisent et publient le 7 juillet 1944 à Genève la Déclaration des résistances européennes624. Cette déclaration est un projet de fédération d’États européens dont le but est de garantir la paix et de reconstruire économiquement une Europe sans nationalisme et sans protectionnisme et en y intégrant l’Allemagne. Pour cela, chaque État doit abandonner sa souveraineté au profit de l’Union, laquelle aura pour mission de protéger le territoire et d’assumer la politique extérieure. L’union fédérale, quant à elle, serait dotée de trois organes :

un gouvernement responsable à l’égard de chaque État membre ;

une armée sous la direction de ce gouvernement ;

un tribunal suprême chargé de juger les différends entre les États ou entre la Fédération et les États.

La guerre froide prend le relais, et les alliances se créent. Le besoin de s’unir pour faire face au bloc soviétique devient une évidence.

Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gaspéri et Winston Churchill ont endossé ce rôle de convaincre leurs peuples d’adhérer à une organisation structurée de l’Europe de l’Ouest.

1451 Pour aider les pays européens à se reconstruire, dans son discours prononcé le 5 juin 1947 à l’Université Harvard de Cambridge (Massachusetts), Georges C. Marshall, secrétaire d’État aux États-Unis, propose un plan d’aide financière (le Plan Marshall) mais demande aux pays européens de s’organiser pour la distribution de cette aide entre eux.

Les seize pays qui ont accepté ce plan – l’Autriche, la Belgique, le Danemark (avec les îles Féroé et le Groenland), la France, la Grèce, l’Irlande, l’Islande, l’Italie (et Saint-Marin), le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal (avec Madère et les Açores), le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse (avec le Liechtenstein) et la Turquie – signent à Paris le 16 avril 1948, une convention créant l’Organisation européenne de coopération économique (OECE).

1452 La reconstruction des pays doit également se faire par la réconciliation. Ainsi, dans son discours prononcé à l’Université de Zurich le 19 septembre 1946, Winston Churchill625annonce qu’il y a un remède aux maux de l’Europe. Selon lui, le remède se trouve dans la reconstitution de la famille européenne ; pour que celle-ci puisse vivre dans la paix, la sécurité et la liberté, il faut créer des « États-Unis d’Europe », la première étape de la recomposition de cette famille étant l’entente franco-allemande. L’Europe doit être dotée d’une structure régionale placée sous l’Organisation des Nations unies.

1453 Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères français, reprenant une idée de Jean Monnet, propose dans son discours du 9 mai 1950, pour aboutir à l’objectif d’une union pacifique européenne, de créer progressivement cette Europe. Il faut commencer par des secteurs limités, des secteurs économiques, pour créer des solidarités de fait, et sur ces secteurs il faut concentrer des moyens juridiques, matériels et humains. Puis il faut élargir ce système à d’autres secteurs économiques et techniques jusqu’à aboutir à l’existence d’une union économique générale. Dans un second temps, la même méthode devra être appliquée à la politique pour aboutir à une union politique commune.

1454 Ainsi la première étape que Robert Schuman propose est de mettre en commun toute la production de charbon de la France et de l’Allemagne dans une « Communauté européenne du charbon et de l’acier » (CECA), laquelle organisation resterait ouverte aux pays d’Europe. Cette communauté serait placée sous une autorité commune, la Haute Autorité. Le gouvernement français négocie (à la tête des négociateurs se trouve Jean Monnet) avec ses partenaires (l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg) l’organisation et le fonctionnement de la future CECA. L’idée est de créer des institutions pour contrebalancer le pouvoir de la Haute Autorité, à savoir la création d’un organe intergouvernemental « le Conseil des Ministres », d’une assemblée commune pour représenter les peuples et également d’une Cour de justice pour traiter les différends.

Le Traité instituant la CECA et la Haute Autorité sera signé le 18 avril 1951 à Paris entre les six pays susvisés, et entrera en vigueur le 23 juillet 1952 pour une durée de cinquante ans (il est expiré depuis le 23 juillet 2002). Ce traité prévoit la création de quatre institutions :

une Haute Autorité, assistée d’un comité consultatif, qui représente l’intérêt général de la Communauté composée de neuf membres dont l’un est coopté, pour une durée de six ans ;

une Assemblée commune, qui représente les peuples des États membres, composée de soixante-dix-huit délégués issus des parlements nationaux, et qui dispose d’un pouvoir de contrôle ;

un Conseil spécial des Ministres, organe intergouvernemental, qui représente les États membres, et composé d’un représentant par État ;

une Cour de justice, instance de contrôle, comprenant sept juges nommés par les gouvernements pour veiller à l’application du traité.

Pour la première fois une organisation sera supérieure aux États, donnant naissance à la supranationalité, c’est-à-dire à un transfert de souveraineté par les États au profit d’une institution européenne. La méthode communautaire est née.

Malgré une discussion non tranchée sur la question des sièges de ces institutions, la Haute Autorité, le Conseil spécial des Ministres et la Cour de justice s’installeront à Luxembourg et l’Assemblée commune à Strasbourg.

1455 Ce marché commun apporte une croissance économique à l’Europe et une paix tant attendue. Il est alors proposé deux autres communautés : la Communauté européenne de défense (CED) et la Communauté politique européenne (CPE). La CED est rejetée par la France en 1954. Le Parlement européen (chambre parlementaire de la CECA) prépare un traité pour la CPE, sans succès. Jean Monnet démissionne de la Haute Autorité. La crise de Suez provoque une pénurie énergétique et Jean Monnet, président du Comité d’actions pour les États-Unis d’Europe finissant toujours son mandat, propose pour avoir une autosuffisance énergétique de mettre en commun l’énergie atomique.

Les six États membres de la CECA signent alors à Rome, le 25 mars 1957, le Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Traité CEEA ou Euratom) et le Traité instituant la Communauté économique européenne (Traité CEE).

La CEE devait installer une union douanière et l’Euratom devait gérer la coopération en matière énergétique.

Parallèlement s’est créée en 1960, par la signature de la convention de Stockholm, une Association européenne de libre-échange (AELE), organisation intergouvernementale dont les quatre États membres sont l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. L’AELE, dépourvue de toute velléité politique, vise à promouvoir le libre-échange et l’intégration économique en éliminant les droits de douane sur les produits industriels entre ses membres.

1456 La CEEA a pour mission de développer cette source d’énergie, d’une part pour gagner de l’autonomie à l’égard des États Unis alors en avance tant sur le plan scientifique qu’industriel, d’autre part comme solution à la pauvreté en minerais de l’Europe.

La CEEA met en place « l’Agence des approvisionnements », organe doté de la personnalité juridique, disposant d’un monopole d’achat de la production des matières nucléaires au sein de la Communauté et chargée de négocier les transactions avec les États étrangers ou agences étrangères. Cette agence revend ensuite aux utilisateurs en respectant le principe d’égal accès à la ressource. La Communauté met en place un système de contrôle rigoureux en liaison avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Ce traité tombera lentement en désuétude et l’incident de Tchernobyl y portera le dernier coup.

1457 S’agissant de la CEE, le traité constitutif a pour objectif de créer une zone économique unique pour l’ensemble des États membres. Deux schémas d’organisation internationale étaient connus: la zone de libre-échange et l’union douanière. La CEE va plus loin, elle institue non seulement une élimination des droits de douane entre États membres et un tarif commun pour l’extérieur, mais aussi une zone de libre circulation pour les facteurs de production (marchandises, personnes, services et capitaux).

Ce traité envisage trois politiques communes supranationales : la politique commerciale, la politique agricole et la politique des transports. Sur un plan plus global, l’ancien article 145 CEE donne une compétence générale au Conseil pour assurer la coordination des politiques économiques des États membres. Après plusieurs plans d’union économique, un système monétaire européen est mis en place en 1979.

La CEE disposait de ses propres institutions sur le modèle de la CECA :

la Commission : organe exécutif supranational qui disposait du pouvoir d’initiative. Elle sera fusionnée en 1967 avec les exécutifs de la CECA et de l’Euratom pour devenir la Commission européenne ;

le Conseil des Ministres : organe intergouvernemental qui disposait du pouvoir décisionnel ;

une assemblée parlementaire : commune aux trois communautés CECA, CEE et Euratom et qui était composée de représentants nationaux désignés par leur parlement. Basée à Strasbourg, cette assemblée deviendra le Parlement européen, qui dispose du pouvoir de contrôle politique de la Commission et du pouvoir consultatif ;

une Cour de justice, basée à Luxembourg ;

une Cour des comptes européenne créée en 1975.

La CEE créa quant à elle, en 1962 un niveau commun des prix des produits agricoles nommée « politique agricole commune » (PAC) et supprima en 1968 les droits de douane pour un certain nombre de produits.

En 1967, la CECA et l’Euratom ont fusionné dans la CEE et les trois institutions étaient appelées Communautés européennes. Ces trois communautés partageaient déjà l’assemblée parlementaire et la Cour de justice.

Le 1er janvier 1973, après avoir été refusés dans un premier temps, le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark rejoignent les communautés et ainsi les membres atteignent le nombre de neuf. Le 1er janvier 1981, la Grèce devient le dixième membre, le 1er janvier 1986 l’Espagne et le Portugal deviennent les onzième et douzième membres. La Turquie est candidate à l’adhésion en 1987.

S’agissant de la zone de libre circulation, un accord est signé à Schengen, le 14 juin 1985, entre cinq pays membres : l’Allemagne de l’Ouest, la France et les pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg), permettant aux personnes de circuler librement dans cette zone sans contrôle aux frontières.

1458 En vue des prochaines adhésions, les ministres des Affaires étrangères ont signé les 17 et 28 février 1986 respectivement à Luxembourg et à La Haye, l’Acte unique européen (AUE).

La Commission européenne, sous la présidence de Jacques Delors, relance le processus d’intégration, le but final étant d’avoir non seulement un marché unique, mais aussi une union politique. Jacques Delors et Francis Cockfield recensent dans le livre blanc tous les obstacles à la libre circulation des personnes et des marchandises et proposent des mesures pour les faire tomber. Ces obstacles sont de trois sortes : obstacles physiques constitués par les contrôles aux frontières ; obstacles techniques induits par les différences de législation entre les États membres pour les techniques et les procédés de production, de commercialisation et distribution ; obstacles fiscaux qui sont la conséquence des différents taux de TVA et d’accises. Pour faciliter l’harmonisation, l’Acte unique assouplit non seulement les procédures, mais introduit également le principe de reconnaissance mutuelle.

L’AUE introduit le processus d’intégration positive et met en place trois politiques nouvelles : une politique de cohésion économique et sociale, une politique d’environnement et une politique de recherche et de développement technologique.

La politique de cohésion économique et sociale ambitionne d’effacer les déséquilibres entre les pays en aidant les pays les plus pauvres.

La politique d’environnement incluant également la santé publique s’introduit dans toutes les autres politiques par les concepts nouveaux de clause d’intégration et de principe de subsidiarité.

En 1991, l’Espace économique européen est créé et les règles du marché commun s’appliquent également à l’AELE.

Les marchandises circulent librement dans le marché unique et les dotations financières s’intensifient, créant une meilleure cohésion économique et sociale.

Une convention pour organiser l’ouverture des frontières des pays signataires de l’accord de Schengen est signée le 19 juin 1990 et entre en vigueur le 26 mars 1995626.

La Commission voit ses pouvoirs d’exécution étendus avec un retour au vote à la majorité qualifiée, et le Parlement participe au pouvoir législatif avec la procédure de coopération.

1459 Le 7 février 1992, les douze États membres de la CEE signent le traité de Maastricht, entré en vigueur le 1er novembre 1993, établissant l’Union européenne (UE). En 1995, l’Autriche, la Suède, la Finlande rejoignent l’Union européenne, qui passe alors à quinze membres.

L’Union européenne comprend trois piliers :

les Communautés européennes (CE) ;

la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) ;

la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures (CJAI).

Les États membres coopèrent pour coordonner leur politique économique, guidés par le Conseil qui donne les grandes orientations. Un pacte de stabilité et de croissance est adopté au Conseil européen d’Amsterdam les 16 et 17 juillet 1997 pour coordonner les politiques budgétaires nationales et surveiller et contrôler les déficits excessifs.

L’union monétaire doit se faire en trois étapes : une phase préparatoire de mise en place des conditions de base de la circulation des capitaux et de la convertibilité des monnaies de 1990 à 1994, une phase de contrôle pour chaque État membre de son plan budgétaire de 1994 à 1999, et une dernière phase de bascule dans la nouvelle monnaie en 1999 si les critères de convergences sont au vert. En mai 1998, le Conseil établit la liste des onze pays qui passeront à l’euro à partir du 1er janvier 1999. La Banque centrale européenne est créée pour gérer la monnaie européenne. Les particuliers, après une période transitoire de coexistence de leur monnaie nationale et de la monnaie européenne, ne connaîtront que l’euro qu’à partir du 1er janvier 2002.

Aujourd’hui dix-neuf pays utilisent l’euro comme monnaie627.

1460 Après une très longue conférence intergouvernementale, le traité d’Amsterdam est signé le 2 octobre 1997 et entre en vigueur le 1er mai 1999. Ce traité vient modifier le traité de Maastricht, tout en conservant le système des trois piliers. Il affirme les principes de liberté, de démocratie et des droits de l’homme.

Il prévoit la création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. Il intègre la convention de Schengen, transférant ainsi le contrôle de l’immigration, les visas, le droit d’asile et la coopération judiciaire en matière civile aux institutions européennes.

La politique étrangère de sécurité commune est dotée d’un haut représentant et d’une unité de planification de la politique et d’alerte rapide. Cette unité est composée de spécialistes venant de chaque pays membre, du Conseil des Ministres de l’Union européenne, de la Commission européenne et de l’Union de l’Europe occidentale.

Le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne, le Parlement européen et la Cour de justice sont désormais tous compétents pour connaître des questions liées à la circulation des personnes, au travail, à la police.

Le Conseil et le Parlement européens décident ensemble de la plupart des textes législatifs, et la règle n’est plus l’unanimité (sauf pour les affaires constitutionnelles et les questions sensibles).

Le non-respect des principes de la démocratie et des droits fondamentaux prévus à l’article 6 du Traité sur l’Union européenne est sanctionné par la suspension de certains droits (comme le droit de vote) de l’État fautif (art. 7 TUE).

1461 Le 26 février 2001, un nouveau traité est signé à Nice pour améliorer le fonctionnement des institutions compte tenu de l’élargissement atteint par l’Union européenne et de l’élargissement à venir.

Les pouvoirs de codécision du Parlement sont étendus. Un système de pondération de voix est introduit au niveau du Conseil des Ministres. Chaque État a un nombre de voix en fonction de sa population pour le vote à la majorité qualifiée. Par ailleurs, pour qu’une décision soit adoptée, il faut au moins 255 voix sur 347 pour vingt-sept membres, et que la majorité des États ait voté pour la décision. Même avec ces deux critères réalisés, un État peut demander une troisième condition : que la majorité qualifiée représente 62 % de la population européenne.

Le vote à la majorité qualifiée est étendu à de nombreux domaines.

La Commission européenne est représentée par un commissaire par État. Le président, désormais élu à la majorité qualifié par le Conseil des Ministres après approbation du Parlement européen, voit ses pouvoirs renforcés. Le président organise, gère les mandats, peut demander la démission des commissaires.

Les compétences entre la Cour de justice et le Tribunal de première instance sont modifiées afin de raccourcir les délais de jugements.

La Cour des comptes comporte un représentant de chaque État.

Pour passer à une coopération renforcée, le traité de Nice réduit le nombre d’États à huit.

Le Conseil peut désormais adresser des recommandations en cas de risque d’atteinte aux droits fondamentaux. Lors des conseils européens de Cologne et de Tampere (1999), les États membres décident de créer un organisme appelé « Convention », composé majoritairement de chefs d’État et de gouvernement, dont la mission est de proposer une Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Cette charte a été proclamée lors du Conseil européen de Nice des 7 et 11 décembre 2000, conseil lors duquel a été également adoptée la Déclaration sur l’avenir de l’Union. Cette déclaration, reprise également lors du Conseil de Laeken en décembre 2001, s’articule autour de quatre thèmes : l’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans les traités, la simplification des traités, la question des compétences au regard du principe de subsidiarité et le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne. Il est également évoqué lors de ce dernier conseil l’idée d’une constitution européenne.

Ce travail sera confié à Valéry Giscard d’Estaing, entouré de deux vices-présidents et de douze membres, et il en résultera un texte voté lors du Conseil européen de Thessalonique le 18 juillet 2003. Pour que ce texte soit définitif, et conformément aux règles de l’Union, une conférence intergouvernementale sera convoquée. Malgré des réticences, un nouveau traité sera signé à Rome le 29 octobre 2004, officiellement nommé « Traité établissant une Constitution pour l’Europe ».

Europe qui, depuis le Conseil de Copenhague de décembre 2002, est passée à vingt-cinq membres par suite de l’entrée dans l’Union de dix nouveaux pays : Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République slovaque et la Slovénie à partir du 1er mai 2004, et de la signature du traité d’adhésion à Athènes en date du 16 avril 2003.

1462 Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé le 29 octobre 2004 ainsi qu’il vient d’être dit, devait entrer en vigueur le 1er novembre 2006 si tous les pays le ratifiaient. Or la France et les Pays-Bas décidèrent de recourir au référendum, lesquels référendums conclurent en 2005 à une réponse négative et stoppèrent ainsi l’entrée en vigueur du nouveau traité de Rome. Les 16 et 17 juin 2005, le Conseil des Ministres ne s’arrêtant pas sur ces rejets, décide que le processus de ratification peut continuer et ouvre une période de réflexion aux États membres. Pour sortir de ce blocage, les efforts conjugués tant de l’Allemagne que de la France font émerger l’idée d’un traité simplifié mettant de côté l’aspect constitutionnel et se concentrant sur une réforme des institutions. Ainsi le Conseil européen réuni les 21 et 22 juin 2007 convoque une conférence intergouvernementale à cet effet. Un accord de principe sur ce traité réformateur est donné lors du Conseil européen de Lisbonne des 18 et 19 octobre 2007, et une signature régularisée à Lisbonne le 13 décembre 2007. Ce traité, après de nombreuses discussions dans plusieurs pays, est entré en vigueur depuis le 1er décembre 2009.

L’Union européenne compte parmi ses membres, depuis le traité d’adhésion du 25 avril 2005, la Bulgarie et la Roumanie (entrée effective à partir du 1er janvier 2007), et depuis le traité d’adhésion signé le 9 décembre 2011 et le référendum national du 22 janvier 2012, la Croatie (entrée effective le 1er juillet 2013), et donc est donc passée à vingt-huit États membres.

1463 Le traité de Lisbonne, rebaptisé Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, met fin à la structure en piliers de la Communauté européenne. Il ne remplace pas, mais modifie les traités existants. La Communauté européenne devient l’Union européenne, laquelle est réglementée par deux traités : le Traité sur l’Union européenne (TUE) et le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Le traité de Lisbonne modifie les institutions.

Désormais, l’Union européenne dispose d’une personnalité juridique et peut par conséquent contracter des accords internationaux.

Les décisions se prennent au sein du Conseil à la majorité qualifiée, à savoir 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d’entre eux et représentant des États membres réunissant au moins 65 % de la population de l’Union européenne.

La politique étrangère et la sécurité commune de l’Union sont représentées par un haut représentant de la politique étrangère commune, lequel est membre du Conseil et de la Commission.

Les parlements nationaux voient leur pouvoir augmenté et peuvent faire échec aux propositions de la Commission qui ne respecterait pas le principe de subsidiarité. Le traité clarifie les compétences de l’Union et celle des États membres et classe en trois catégories : les compétences exclusives, les compétences partagées et les compétences d’appui.

Les citoyens européens se voient attribuer de nouveaux pouvoirs. En effet, s’ils sont au nombre d’un million, ils peuvent inviter la Commission à faire une proposition au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne.

La Charte des droits fondamentaux est dotée de la force juridique, au même titre que les traités, et s’applique dans vingt-cinq pays de l’Union excepté le Royaume-Uni et la Pologne.

La Banque centrale européenne est érigée au rang d’institution de l’Union européenne. Le pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 et 2005 ne suffit pas à enrayer la crise économique et financière qui sévit sur l’Europe depuis les années 2007. La Commission se voit confier un pouvoir de contrôle sur la préparation de leur budget par les États membres. En décembre 2011, un ensemble de règlements et de directives (les six-Pack) sont adoptés, permettant à la Commission de demander des corrections de prévision budgétaire, voire de sanctionner financièrement. Des mesures et sanctions financières sont même possibles à l’égard d’un État membre de la zone euro avec le two-Pack adopté en 2013.

Les États en difficulté sont contraints à des plans d’austérité pour pouvoir bénéficier d’une aide européenne ou du Fonds monétaire international. Mais l’Allemagne demande en contrepartie que les pays de la zone euro limitent leur déficit public à 3 %, et c’est ainsi qu’est signé le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’UEM (TSCG) le 2 mars 2012. Les pays qui respectent ledit traité peuvent bénéficier des aides financières du Mécanisme européen de stabilité dont la création a été rendue possible par la modification de l’article 136 TUE (adjonction d’un paragraphe 3), la Banque centrale rachetant les dettes des pays en difficultés.

Le traité permet dorénavant le retrait de l’Union européenne.

Section II – À la production d’un droit européen

1464 Dès les années 1950, les échanges d’idées entre les représentants du droit romain et les médiévistes prolifèrent. Après la Seconde Guerre mondiale, une volonté de reconstruire l’Europe grâce au socle d’un ius commune, le droit romain, est présente. Une recherche sur le droit romain du Moyen Âge du nom de Ius Romanum Medii Aevi (IRMAE)628 est lancée.

Des institutions sont créées au niveau européen ainsi qu’il a été dit ci-avant, mais la Communauté européenne ne dispose d’aucune compétence en matière de droit international privé. La Communauté européenne ne fonctionne que par conventions internationales. Cette compétence en matière de DIP lui est attribuée avec le traité d’Amsterdam. L’Union européenne peut traiter par voie de règlement des matières qui ne faisaient l’objet jusqu’à maintenant que de conventions internationales.

La Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale devient le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, entré en vigueur le 1er mars 2002 et remplacé par le règlement Bruxelles I bis.

La convention de Rome du 19 juin 1980 devient le règlement Rome I du 17 juin 2008.

La convention de Bruxelles II du 28 mai 1998 sur la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale sur les enfants communs devient le règlement Bruxelles II et est remplacé depuis par le règlement Bruxelles II bis en date du 27 novembre 2003.

Cette communautarisation du droit permet une applicabilité immédiate des règles édictées, alors qu’avec les conventions internationales des ratifications étaient nécessaires pour que la règle puisse entrer en vigueur.

Enfin, depuis le traité de Lisbonne un renvoi préjudiciel en interprétation devant la Cour de justice est automatique et n’est pas subordonné à l’existence d’un protocole annexé au texte.


623) Vingt-six signataires originaires : les États-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, l’Union des Républiques socialistes soviétiques, la Chine, l’Australie, la Belgique, le Canada, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Luxembourg, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Pologne, la Yougoslavie, le Costa Rica, Cuba, la Tchécoslovaquie, la République dominicaine, la Grèce, Haïti, l’Inde, les Pays-Bas, le Nicaragua, le Panama et l’Union sud-africaine.

Pays adhérents par la suite : le Mexique, la Colombie, l’Iraq, l’Iran, le Libéria, le Paraguay, le Chili, l’Uruguay, l’Égypte, la Syrie, la France, les Philippines, le Brésil, la Bolivie, l’Éthiopie, l’Équateur, le Pérou, le Venezuela, la Turquie, l’Arabie saoudite, le Liban.

624) H. Michel et B. Mirkine-Guetzévitch, Les idées politiques et sociales de la Résistance, Paris, PUF, 1954.
625) Winston Leonard Spencer-Churchill : homme d’État britannique, né le 30 novembre 1874 au Royaume-Uni et mort le 24 janvier 1965 à Londres. Premier ministre du Royaume-Uni de 1940 à 1945 durant la Seconde Guerre mondiale. Prix Nobel de littérature.
626) 26 mars 1995 : Allemagne, Belgique, France (avec des restrictions jusqu’en mars 1996), Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Espagne ; 26 octobre 1997 : Italie ; 1er décembre 1997 : Autriche ; 8 décembre 1997 : Grèce. Ce dernier pays n’applique l’accord que dans les aéroports et les ports (principalement liaisons entre Igoumenitsa et différents ports italiens), n’ayant pas de frontières terrestres avec un autre État appliquant les accords de Schengen. De plus, ce pays n’applique pas la convention de Schengen pour les ressortissants de la République de Macédoine du Nord ; 25 mars 2001 : Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède ; 21 décembre 2007 : Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie et Malte ; 12 décembre 2008 : Suisse ; 19 décembre 2011 : Liechtenstein.
627) Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, rejoints par la Grèce en 2001, par la Slovénie en 2007, par Chypre et Malte en 2008, par la Slovaquie en 2009, par l’Estonie en 2011, par la Lettonie en 2014 et par la Lituanie en 2015.
628) « Histoire du droit européen, toujours à l’état de projet ? », conférence présentée le 26 mai 2007 à la faculté de l’Université de Lubljana par M. Stolleis.
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